L’animateur : auteur mais pas artiste-interprète

CA Aix en Provence, 1ère Ch. B, 17 novembre 2011

Un animateur-présentateur d’une émission culinaire s’est vu reconnaître la qualité d’auteur mais refusé celle d’artiste-interprète. Pour la rémunération de ses droits d’auteur, le principe d’une rémunération forfaitaire a par ailleurs été clairement validé.

Concernant la qualité d’artiste-interprète : La Cour d’appel a considéré que la prestation de l’intéressé au titre de l’animation et de la présentation, « en dépit de la faconde ou la manière personnelle qu’il y a apporté », ne pouvait pas « par nature se rapporter à l’exécution d’une œuvre littéraire et artistique, ou encore d’un numéro de variété, de cirque ou de marionnette (article L.212-1 du Code de la propriété littéraire et artistique) ».

Concernant la qualité d’auteur : Le contrat de travail de l’animateur comportait une clause de cession de droit d’auteur et une rémunération forfaitaire corrélative.

La société de production a fait valoir que cette clause constituait un usage courant dans l’industrie de la production audiovisuelle, pour prendre en compte, à titre de précaution, les éventuels apports intellectuels du présentateur dans la réalisation encore à venir de l’émission et que « la qualification a priori d’un revenu de droit d’auteur n’est absolument pas la preuve d’un quelconque apport intellectuel à l’œuvre audiovisuelle par le bénéficiaire de ce revenu ».

Sur ce point, la Cour d’appel a considéré que « le recours à cet usage constitue une présomption d’une véritable cession de droit d’auteur » et que « la réussite de ce type d’émission, axée sur la rencontre, l’interview et la mise en valeur de professionnels (producteurs de produits et chefs cuisiniers), nécessite une certaine capacité d’improvisation de la part du présentateur (également animateur), ce qui était dans la compétence [de l’intéressé] ». La Cour en a conclu qu’était donc « tenu pour acquis l’existence entre les parties d’un contrat de cession de droit d’auteur moyennant une rémunération forfaitaire ».

Concernant la rémunération de la cession des droits : La Cour n’a pas suivi l’argumentation du présentateur qui concluait à l’annulation de la clause de rémunération forfaitaire.

Après avoir rappelé le principe de la rémunération proportionnelle et les exceptions prévues par l’article L.131-4 du CPI, la Cour d’appel a estimé qu’en l’espèce la création intellectuelle du présentateur s’intégrait « sans pouvoir être déterminée à l’avance, indistinctement, et dans une mesure résiduelle, aux prescriptions définies par d’autres que lui pour la réalisation de chacune des émissions » et « rendait nécessaire l’évaluation forfaitaire et non pas proportionnelle de sa rémunération ».

En outre, pour écarter la demande de révision du prix de cession pour préjudice de plus de 7/12ème, sur le fondement des dispositions de l’article L.131-5 du CPI, la Cour a, notamment, retenu que « sa contribution créative personnelle effective à l’œuvre n’a eu qu’un caractère essentiellement aléatoire et résiduel » et que le présentateur ne donnait aucune précision « sur ce qu’a pu être la consistance réelle, épisode par épisode, de son apport intellectuel ». La Cour a ainsi considéré que le présentateur ne rapportait pas la preuve « d’un principe de lésion ou d’une insuffisance de rémunération », infirmant ainsi le jugement de première instance qui avait condamné le producteur à verser à ce titre 116.000 euros.

Cette décision peut être rapprochée de celle rendue par la Cour d’appel de Paris le 12 mai 2011 [Netcom Octobre 2011] dans un cas similaire concernant une chroniqueuse qui s’était vue reconnaitre des droits d’auteur mais également la qualité d’artiste-interprète en raison du caractère original de sa prestation et du personnage qu’elle jouait dans l’émission, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

Dorothée SIMIC

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