L’action en contrefaçon résumée en une décision

CA Paris, Pôle 5, 2ème Ch., 8 février 2013, Puma c/ Le coq Sportif

La décision commentée est l’occasion de rappeler que l’action en contrefaçon de marque n’est pas une arme aisée à manipuler ; la multiplication des fondements invoqués par le titulaire de droit ne rendant pas la solution plus évidente, bien au contraire.


Dans cette affaire, les sociétés Puma invoquaient la contrefaçon de trois marques figuratives internationales désignant la France représentant une bande courbe ascendante constituée d’une partie évasée à la base et rétrécie en son sommet. Considérant que la commercialisation par les défenderesses de deux modèles de chaussures constituerait une copie servile de leurs modèles, les sociétés Puma ont assigné en contrefaçon de marque et en concurrence déloyale.

En première instance, la contrefaçon de marque et les actes de concurrence déloyale avaient été retenus pour l’un des deux modèles de chaussures, les demanderesses étant en revanche déboutées de leurs demandes pour le second modèle.

La cour saisie de l’appel principal interjeté par les sociétés Puma et d’un appel incident des intimés, rend un arrêt sévère pour les sociétés Puma, les déboutant de l’intégralité de leurs demandes, mais qui présente l’avantage de rappeler les principes de base régissant l’action en contrefaçon, dont l’exercice demeure difficile.

La recevabilité à agir du licencié : le licencié est recevable à agir dès lors que la licence publiée est opposable aux tiers et tout licencié peut obtenir réparation d’actes de contrefaçon qui s’analysent pour lui en actes de concurrence déloyale.

La recevabilité d’une demande en déchéance en cause d’appel : la demande en déchéance qui constitue un moyen de défense dans une procédure en contrefaçon est recevable pour la première fois en cause d’appel dans la mesure où elle tend au rejet des prétentions du demandeur.

Le choix du fondement juridique à l’action en contrefaçon : les sociétés PUMA invoquaient à titre principal la contrefaçon par reproduction, subsidiairement la contrefaçon par imitation et très subsidiairement l’atteinte à leurs marques de renommée.

• la contrefaçon par reproduction : La cour déboute les demanderesses en rappelant que la contrefaçon par reproduction suppose l’emploi d’un signe identique à une marque enregistrée, une telle identité existant lorsque le signe litigieux reproduit, sans modification ni ajout, tous les éléments constituant la marque. La jurisprudence traditionnelle précise en outre qu’il y a contrefaçon par reproduction même s’il existe des différences insignifiantes passant inaperçues aux yeux d’un consommateur moyen.

• L’atteinte aux marques de renommée : il appartient à celui qui invoque les dispositions de l’article L.715-3 du CPI de justifier de la renommée invoquée laquelle est établie en

• tenant compte de la part de marché occupée par la marque, l’intensité de son exploitation, son étendue géographique, la durée de son usage, ou encore l’importance des investissements que lui consacre son titulaire.

Pour démontrer la renommée de ses marques, le titulaire de la marque ne peut donc se contenter de renvoyer la cour à des décisions de jurisprudence ; il doit expliciter les éléments factuels susceptibles de caractériser la renommée des marques revendiquées. La cour avait déjà dénié la qualité de renommée à la marque « Must » de la société Cartier, cette dernière ayant échoué à démontrer la renommée actuelle de la marque qui ne peut se déduire de sa renommée passée (Cf. CA 17 octobre 2012, Netcom novembre 2012).

• La contrefaçon par imitation : en l’absence de « famille » ou « série » de marques, la comparaison des signes doit s’effectuer marque par marque. Au contraire, en présence d’une «famille» ou «série» de marques, le risque de confusion résulte plus précisément du fait que le consommateur peut se méprendre sur la provenance ou l’origine des produits ou des services couverts par la marque dont l’enregistrement est demandé et estime, à tort, que celle-ci fait partie de cette « famille » ou « série » de marques.

En l’espèce, la Cour refuse de considérer les 3 marques figuratives appartenant à la société Puma comme faisant partie d’une « famille » de marques formant un ensemble, impliquant que l’imitation de l’une d’entre elle suffit à constituer la contrefaçon des autres.

A cet égard, la cour relève que le dépôt des 3 marques à 8 ans d’intervalle démontre que Puma ne considérait pas que la forme de la bande, identique dans les 3 signes, avait un tel caractère dominant que les autres composantes des marques pouvaient être tenues pour négligeables.

La Cour fait une appréciation très stricte des critères permettant de conclure à l’existence d’une « famille » de marques exigeant que l’élément commun des signes soit pratiquement identique, ainsi que sa présentation et son emplacement dans le signe.

La concurrence déloyale et le parasitisme : l’action en concurrence déloyale peut être intentée par celui que ne peut se prévaloir d’un droit privatif même si les faits incriminés sont les mêmes que ceux qui étaient invoqués à l’appui de l’action en contrefaçon. En l’espèce, les demandes étaient fondées sur les modèles de chaussures sur lesquelles les sociétés Puma ne disposaient d’aucun droit privatif. La cour rejette toutefois les demandes en soulignant que les ventes à des prix inférieurs procèdent de la liberté du commerce. Ce même principe autorise l’offre et la vente de produits concurrents sauf à démontrer une infraction à ses usages loyaux et honnêtes traduisant une volonté de créer dans l’esprit du public un risque de confusion sur l’origine des produits et à établir que par l’identité propre de ses produits, Puma avait fidélisé une clientèle qui se serait détournée du fait des agissements incriminés. Le parasitisme relevant de critères distincts auxquels le risque de confusion est étranger, la cour relève que la preuve d’investissements humains et financiers précisément consacrés aux souliers n’était pas rapportée par Puma.

Florence DAUVERGNE