La suppression du droit préférentiel de souscription doit figurer expressément dans l’ordre du jour d’une assemblée générale, sous peine de nullité de celle-ci

La suppression du droit préférentiel de souscription doit figurer expressément dans l’ordre du jour d’une assemblée générale, sous peine de nullité de celle-ci

Il ressort de cet arrêt relatif à une société anonyme que la mention de la suppression du droit préférentiel de souscription (DPS) doit figurer expressément, sous peine de nullité de l’augmentation de capital décidée, dans l’ordre du jour d’une assemblée générale même si cet ordre du jour mentionne que l’augmentation de capital est réservée.

Cet arrêt renforce le caractère juridique de l’ordre du jour qui vise à assurer une complète information aux associés sur les résolutions qui seront adoptées lors de l’assemblée et empêcher ainsi toute délibération initiée au dernier moment et ce, alors même qu’un associé serait absent.

En l’espèce, le capital de la société anonyme Lioser était détenu à 66% par les époux C. et à 34% par la société ITM Entreprises en nue-propriété et Monsieur C. en usufruit. La société Lioser et la société ITM Entreprises avaient conclu un contrat d’enseigne d’une durée de 10 ans pour l’exploitation d’un supermarché « Intermarché ».

En juin 2007, en application des dispositions de l’article L. 225-129-6 alinéa 2 du Code de commerce qui fait obligation de consulter triennalement les associés d’une société sur une augmentation de capital réservée aux salariés, une assemblée générale extraordinaire de la société Lioser, à laquelle n’assistait pas la société ITM Entreprises, a décidé une augmentation de capital réservée aux salariés et a supprimé le DPS (sans que cette suppression soit mentionnée expressément dans l’ordre du jour). La majorité des nouvelles actions émises ont été souscrites par Monsieur C.

En octobre 2007, la société Lioser a notifié à la société ITM Entreprises sa décision de ne pas renouveler le contrat d’enseigne avant d’en conclure un nouveau avec un autre groupe de distribution.

En juillet 2008, probablement en raison du non renouvèlement du contrat d’enseigne, la société ITM Entreprises a assigné la société Lioser et son Président, Monsieur C., pour demander l’annulation des résolutions décidant l’augmentation de capital réservée aux salariés et supprimant le DPS au profit de ces derniers. Elle demandait également la condamnation solidaire de la société et de son président à titre de dommages et intérêts. Elle motivait ses demandes par le fait que l’ordre du jour mentionné dans la convocation qu’elle avait reçue ne faisait pas état de la suppression du DPS des actionnaires au profit des salariés pour lesquels une augmentation de capital était réservée.

La Cour d’appel d’Orléans a fait droit aux demandes de la société ITM entreprises en se fondant sur deux articles du Code de commerce :

  article L. 225-138, I., qui dispose que l’assemblée générale qui décide une augmentation de capital peut la réserver à une ou plusieurs personnes nommément désignées ou catégories de personnes répondant à des caractéristiques déterminées et qu’à cette fin, elle peut supprimer le droit préférentiel de souscription. Pour la Cour d’appel, le fait que les textes disent « peut supprimer » signifie qu’il ne s’agit pas d’une suppression automatique et que dès lors, l’assemblée doit se prononcer sur cette question (ce qui a été fait en l’espèce) ; et

article L. 225-105, 3e alinéa, qui dispose que l’assemblée ne peut délibérer sur une question qui n’est pas inscrite à l’ordre du jour.

La Cour d’appel a considéré que les actionnaires ne peuvent être regardées comme ayant été suffisamment et valablement avertis de la portée du vote qui leur était proposé par l’ordre du jour indiqué dans la convocation.

La question qui se posait légitimement était alors de savoir si le fait de mentionner dans l’ordre du jour d’une assemblée une augmentation de capital réservée aux salariés impliquait de manière implicite la suppression du DPS de telle sorte que le défaut de la mention expresse de la suppression du DPS dans l’ordre du jour n’était pas une cause de nullité.

Il ressortait implicitement de la lecture de l’ordre du jour qui prévoyait une augmentation de capital réservée aux salariés que le DPS serait supprimé. En effet, si l’augmentation de capital est réservée aux salariés, cela implique nécessairement que les actionnaires votent une résolution supprimant le DPS afin de permettre à ces salariés de souscrire à l’augmentation de capital. Il serait très surprenant qu’un actionnaire vote une augmentation de capital réservée aux salariés mais refuse de voter la suppression du DPS donnant plein effet à la résolution qu’il aurait votée juste avant.

La Chambre commerciale de la Cour de cassation rejette le pourvoi de la société Lioser et valide l’argumentation de la Cour d’appel en se fondant sur une lecture stricte des articles L. 225-138, I. et L. 225-105, 3e alinéa du Code de commerce susvisés. Pour la Cour de cassation, le fait que l’assemblée générale extraordinaire de la société ait voté la suppression du DPS alors que cette question n’était pas inscrite à l’ordre du jour entraine l’annulation des résolutions se prononçant sur cette augmentation de capital réservée, ce qui entrainera l’annulation des actions émises et la restitution de l’argent remis en contrepartie.

Il est toutefois admis qu’une assemblée peut valablement délibérer sur une question qui bien que non inscrite à l’ordre du jour est la conséquence directe d’une question qui y figure. Mais ce principe ne s’applique pas à l’augmentation de capital réservée d’une SA puisque l’article L. 225-138, I, du Code de commerce, envisage explicitement la suppression du DPS dans une telle situation, impliquant dès lors son inscription dans l’ordre du jour.

Par ailleurs, l’article L. 225-105, alinéa 3, du Code de commerce prévoit une dérogation au principe qu’elle pose de nécessaire inscription de toute résolution à l’ordre du jour. En effet, cet article dispose que l’assemblée peut en toute circonstance révoquer un ou plusieurs administrateurs ou membres du conseil de surveillance et procéder à leur remplacement.

La solution commentée ne devrait pas s’appliquer aux SAS. En effet, l’article L. 225-121, alinéa 1, du Code de commerce qui déclarent nulles les délibérations prises en violation de l’article L. 225-105 du Code de commerce ne fait pas partie des textes applicables aux SAS au regard de l’article L. 227-1 du Code de commerce. La seule sanction pouvant affecter les SAS seraient alors la mise en jeu de la responsabilité des dirigeants et de la société.

Mathieu BOURSON