La Cour d’appel de Paris réforme la décision de l’ADLC dans l’affaire des commissions interbancaires et annule l’amende de 384,9 millions d’euros

Statuant sur renvoi de la Cour de cassation, la Cour d’appel de Paris a réformé le 2 décembre 2021 la décision de l’ADLC dans l’affaire des commissions interbancaires, en rappelant que le critère essentiel pour déterminer si un accord comporte une restriction de concurrence par objet réside dans la constatation qu’un tel accord présente par sa nature même, au regard de l’expérience acquise, un degré de nocivité suffisante à l’égard de la concurrence de sorte qu’il n’est pas nécessaire d’en rechercher les effets.

Pour mémoire, au début des années 2000, la vitesse des transactions permise par l’instauration d’un système de compensation dématérialisé a raccourci les délais nécessaires pour créditer les comptes bénéficiaires de chèques. Cette situation accordait aux banques majoritairement remettantes (bénéficiaires de chèque) un avantage de trésorerie face aux banques majoritairement tirées (émettrices de chèque). Pour ces dernières, une perte de revenus résultait du fait que les sommes restaient moins longtemps inscrites en compte.

Aux termes d’un accord mis en œuvre entre 2002 et 2007, les banques ont notamment prévu une « commission échange images chèques » (CEIC) qui serait versée par les banques remettantes et destinée à compenser ce déséquilibre.

L’ADLC avait retenu qu’une telle commission était une restriction de concurrence par son objet dès lors que :

 – sur le marché de la remise du chèque, la création de la CEIC avait introduit un élément de coût uniforme pour les banques remettantes qui n’existait pas dans l’ancien système de compensation ;

– sur le marché de l’émission du chèque, la CEIC avait généré une hausse de revenu artificielle pour les banques tirées ;

– si l’objectif avait été de préserver les équilibres existants, un tel objectif contribuait en réalité à « figer » le marché du chèque.

Analysant le contexte économique et juridique marqué notamment par la nécessaire coordination des banques pour l’organisation des systèmes de paiement, elle avait considéré qu’un tel contexte n’était pas de nature à exclure toute possibilité de concurrence efficace.

La Cour d’appel de Paris avait confirmé cette décision pour l’essentiel.

La Cour de cassation renvoya l’affaire devant la Cour d’appel de Paris pour méconnaissance du principe d’interprétation restrictive de la notion d’infraction par l’objet. Une telle méconnaissance découle de la présomption d’une répercussion nécessaire des commissions litigieuses sur les prix finaux « en l’absence d’expérience acquise pour ce type de commissions interbancaires ».

Selon la Cour d’appel de Paris, statuant donc sur renvoi, les analyses de l’ADLC, fondées sur de simples présomptions conduisant celles-ci à assimiler l’accord portant sur des commissions interbancaires à un accord sur les prix de la remise des chèques, n’est pas conforme aux principes applicables tels qu’issus de la jurisprudence européenne.

Plus précisément,

1) la nocivité de la pratique n’est pas établie puisqu’elle était transitoire, aucune clause n’obligeait les banques à répercuter la commission sur leur clientèle et celle-ci restait négociable en son principe et son montant ;

2) les objectifs de préservation des équilibres de trésorerie et ceux de ne pas favoriser un moyen de paiement peu efficient et coûteux n’étaient pas illégitimes ; et

3) le contexte économique et juridique mis en avant par l’ADLC n’était pas de nature à remettre en cause l’absence de restriction par l’objet.

Térence Laheurte