La convention collective nationale de l’édition phonographique jugée conforme aux exigences du droit de la propriété intellectuelle

TGI Paris, 1ère Ch., 26 mars 2013, R.G. 09/01653 SPEDIDAM-SNM–FO, c/ SNEP UPFI

La SPEDIDAM et le SNM-FO, rejoints par deux autres syndicats, ont assigné les organisations signataires de la convention collective nationale de l’édition phonographique signée le 30 juin 2008 et entrée en vigueur le 1er avril 2009.


La SPEDIDAM et le SNM-FO demandaient la nullité de l’annexe III de la convention collective relative aux dispositions particulières applicables aux artistes-interprètes. Etaient notamment en cause les dispositions relatives à l’exercice du droit d’autorisation ainsi que celles relatives à la rémunération principale et complémentaire des artistes interprètes.

Concernant l’exercice du droit d’autorisation, les demandeurs estimaient que les syndicats signataires avaient outrepassé leurs pouvoirs en prévoyant une cession automatique des droits des artistes interprètes à leur profit (article 21 de l’annexe III). Cet argument est rejeté par le Tribunal qui considère que les organisations signataires n’ont pas prévu de cession automatique des droits mais simplement encadré les conditions dans lesquelles l’autorisation doit être donnée lors de la signature du contrat de travail. Les juges du fond précisent à cette occasion que la convention collective ne peut être interprétée comme prévoyant une cession automatique des droits des artistes-interprètes, et ce quand bien même il serait d’usage dans la profession d’intégrer une cession automatique au contrat de travail pour tous les modes d’exploitation.

Concernant les modes d’exploitation autorisés par l’artiste-interprète et la rémunération principale des artistes-interprètes : la SPEDIDAM et le SNM-FO estimaient que la nomenclature des modes d’exploitation prévus à l’article 22.2 méconnaissait le principe de spécialité posé à l’article L 212-3 du CPI selon lequel chaque utilisation de la prestation de l’artiste-interprète donne lieu à une autorisation préalable de la part de l’artiste-interprète et ce moyennant rémunération. Selon les demandeurs, chacun des six modes d’exploitation prévus par la convention collective regroupaient plusieurs utilisations qui auraient dû donner lieu à plusieurs autorisations distinctes mais qui, en raison de leur regroupement au sein d’un même mode d’exploitation, donnaient lieu à une autorisation unique et donc à rémunération unique et forfaitaire.

Le Tribunal écarte cet argument estimant que la nomenclature prévue par la convention collective ne porte pas atteinte au principe de l’autorisation préalable de l’artiste interprète à l’utilisation de sa prestation. Il considère en effet que les différents modes d’exploitation sont suffisamment précis et détaillés pour permettre à l’artiste-interprète de connaitre l’étendue de son autorisation lorsqu’il cède ses droits. Il précise en outre que les parties au contrat peuvent toujours exclure par voie contractuelle un type d’utilisation prévu à la convention. Le Tribunal ajoute que la nomenclature définie dans la convention collective permet d’informer les artistes-interprètes des différents droits qu’ils peuvent céder et surtout de déterminer les montants minimaux de rémunération dus au titre des modes d’exploitation de la fixation de la prestation qu’ils sont susceptibles d’autoriser, étant précisé que les rémunérations minimales tiennent compte de l’étendue de l’autorisation consenties par l’artiste-interprète. De ce fait, aucun mode d’exploitation n’est cédé gratuitement. Et l’argument selon lequel il serait d’usage dans la profession de ne pas rémunérer l’ensemble des utilisations de la prestation dans le cachet de base versé aux musiciens est écarté.

Concernant les rémunérations complémentaires, le Tribunal considère qu’aucun des modes d’exploitation prévus à la convention n’est soumis au mécanisme de la rémunération équitable prévu à l’article L 214-1 du CPI (rémunération complémentaire versée en cas de communication de la prestation dans un lieu public ou de radiodiffusion). Les juges du fond considèrent également que le mécanisme de rémunération complémentaire proportionnelle mis en place dans la convention collective est licite – mécanisme suivant lequel l’artiste interprète qui autorise un producteur de phonogrammes à exploiter, directement ou indirectement, la fixation de sa prestation selon les modes d’exploitation prévus à la convention, perçoit une rémunération forfaitaire complémentaire. Les juges du fond soulignent d’ailleurs à cette occasion que la rémunération complémentaire proportionnelle est une amélioration de la situation des artistes interprètes qui ne percevaient rien à ce titre avant l’entrée en vigueur de la convention.

Il convient enfin de souligner que ce jugement apporte une précision sur la nature des « apports » des artistes interprètes au moment de leur adhésion à la SPEDIDAM. Considérés par la SPEDIDAM comme des cessions de leurs droits patrimoniaux de propriété intellectuelle, le Tribunal précise au contraire qu’ils constituent des mandats de gestion.

Le Tribunal déboute donc la SPEDIDAM et le SNM-FO de toutes leurs demandes mais ne prononce pas de condamnation au paiement de dommages-intérêts.

Saskia BOUROVITCH