La CNIL sanctionnée par le Conseil d’Etat

CE, 28 septembre 2016, n°389448

La CNIL a été sanctionnée par le Conseil d’Etat après avoir prononcé une mesure de publication d’une décision de sanction sur son site et le site Légifrance.

 

En l’espèce, le directeur du Théâtre National de Bretagne (TNB) avait envoyé un message électronique à certains abonnés du théâtre, dans le but de mettre en valeur la politique culturelle rennaise et ce, peu avant les élections municipales.

La CNIL, saisie d’un manquement à la loi du 6 janvier 1978, a prononcé, par une délibération du 12 février 2015, une sanction d’avertissement à l’encontre du TNB, assortie d’une publication ; délibération dont le TNB a demandé l’annulation .

Sur la sanction principale

L’avertissement était fondé en l’espèce sur la violation de l’article 6.2° de la loi du 6 janvier 1978 qui dispose que le traitement des données doit être fait « pour des finalités déterminées ».

En l’espèce, le traitement des données des abonnés au TNB avait pour finalité déclarée la gestion des abonnements d’une part et l’envoi d’informations culturelles d’autre part.

Le Conseil d’Etat juge qu’il y avait bien, en l’espèce, violation de l’article 6.2° de la loi du 6 janvier 1978 ; en effet, le message envoyé par le directeur du TNBaux abonnés avait une finalité politique, non déterminée ab initio.

En conséquence, la délibération de la C.N.I.L était légalement justifiée sur la sanction d’avertissement.

Sur la mesure de publication

En application de l’article 46 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée, « la formation restreinte peut rendre publiques les sanctions qu’elle prononce. Elle peut également ordonner leur insertion dans des publications, journaux et supports qu’elle désigne aux frais des personnes sanctionnées ».

Considérant que, si la sanction publiée s’avère, a posteriori, illégale, les personnes ainsi sanctionnées pouvaient obtenir, outre l’annulation de la sanction, une indemnisation du préjudice né de la publication faite avant l’annulation, la Haute Juridiction administrative a jugé que la sanction complémentaire de publication ne méconnaissait pas la présomption d’innocence, principe figurant à l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme et à l’article 9 de la déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789.

En revanche, le Conseil d’Etat a décidé que la sanction complémentaire de publication était « nécessairement soumise, et alors même que la loi ne le prévoirait pas expressément, au respect du principe de proportionnalité », et qu’il fallait donc, pour apprécier la légalité de la sanction, tenir compte « du support de diffusion et, le cas échéant, de la durée pendant laquelle cette publication est accessible de façon libre et continue ».

Appliquant ces règles, tirées du principe de proportionnalité, le Conseil d’Etat a annulé la délibération de la C.N.I.L du 12 février 2015, seulement en ce qu’elle n’avait pas fixé de borne temporelle à la sanction complémentaire de publication, dès lors jugée « excessive » ; la Haute Juridiction administrative a ainsi renvoyé à la formation restreinte de la CNIL, le soin de fixer la durée « pendant laquelle l’avertissement infligé au TNB restera publié de manière non anonyme sur les sites internet de la CNIL et de Légifrance ».

Sur le rôle du principe de proportionnalité

Cette décision est intéressante car elle met en exergue le rôle croissant du principe de proportionnalité appliqué pour la première fois à une décision de la CNIL.

Yannis BOUZIDI

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Ayant eu connaissance d’une campagne publicitaire nationale visant à faire la promotion des chaussures de la marque KICKERS et reprenant, au sein de ses visuels, les termes « FOREVER YOUNG », il a assigné le distributeur des produits KICKERS en France.

 

Ses demandes ayant été rejetées par le tribunal de grande instance de Rennes, la société BRUNO SAINT HILAIRE, a formé appel de la décision et la Cour d’appel de Rennes, saisie du litige, permet ainsi d’enrichir la jurisprudence déjà fournie sur la protection des slogans publicitaires par le droit des marques.

 

La validité des dépôts de slogans à titre de marque a parfois été contestée, en raison de leur nature évocatrice. Malgré cela, les tribunaux sont souvent réticents à considérer qu’un slogan ne peut, per se, être déposé en tant que marque, l’article L711-1 du Code de la propriété intellectuelle listant parmi les signes pouvant être déposés en tant que marque les « dénominations sous toutes les formes » dont notamment les « assemblages de mots ».

 

Cependant, même déposé, il peut souvent s’avérer difficile pour les titulaires de ces marques d’obtenir une protection sur le fondement du droit des marques, comme l’illustre notamment cet arrêt.

 

En l’espèce, si la validité du dépôt en tant que marque du signe Image de la marquen’était pas contestée ici, le litige portait sur la réalité de l’usage.

 

L’article L714-5 du Code de la propriété intellectuelle énonce en effet qu’ « encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans juste motif, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l’enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans ».

 

La société BRUNO SAINT HILAIRE, à qui était opposée l’absence d’usage sérieux du signe Image de la marque, avait soutenu qu’elle utilisait sa marque, en produisant des « photographies de 4 personnes portants des vêtements et chaussures avec la mention Forever Y au-dessus de la marque Saint Hilaire », ou encore « la présentation d’un homme habillé sur un solex devant un panneau où figure les mêmes éléments et alors qu’il constitue un stand publicitaire (…) ». Elle reconnaissait néanmoins que ce signe était utilisé comme concept, ce qu’indiquait d’ailleurs son site : « Forever Y, c’est tout un état d’esprit… avoir confiance en soi, se sentir bien et libre, oser passer à l’acte… être Forever Y ».

 

La Cour d’appel de Rennes a estimé que le signe n’était dès lors pas utilisé dans une fonction d’identification de l’origine des produits, et a prononcé la déchéance de la marque à compter du 1er décembre 2013.

 

 

Si la contrefaçon n’était pour autant pas de facto écartée à ce stade, les actes argués de contrefaçon datant de septembre 2010, la contestation de l’usage effectif à titre de marque a s’est avérée efficace.

 

La Cour d’appel note que le signe FOREVER YOUNG avait été utilisé « dans le cadre des 40 ans de la marque KICKERS », « au sein d’une phrase écrite en langue anglaise, traduite ensuite en langue française », de manière descriptive « de la marque KICKERS éternellement jeune ». Elle estime, par conséquent et de manière plutôt cohérente avec la déchéance prononcée, que là aussi, ces mots étaient utilisés à titre d’expression courante et non à titre de marque. Aucun usage du signe à titre de marque n’ayant été réalisé antérieurement au 1er décembre 2013, la demande sur le fondement de la contrefaçon a par conséquent été rejetée.

 

Sur les demandes formées sur le fondement de la concurrence déloyale, la Cour confirme également le jugement, en estimant que la société BRUNO SAINT HILAIRE ne justifiait pas d’investissement ou de travail particulier pour développer le « concept » FOREVER YOUNG, dont la « valeur économique individualisée » n’était, selon la Cour, pas démontrée.

 

Antoine JACQUEMART