La clause de confidentialité : un outil de protection de l’e-réputation d’une entreprise

CA Douai Ch.1, 16 avril 2012


La mise en ligne par un ex-salarié d’informations dénigrantes relatives à l’activité de son ancien employeur engage sa responsabilité pour violation de son obligation de confidentialité, indifféremment de la véracité des propos publiés sur son blog.

Le réseau internet est un outil privilégié de communication des entreprises pour promouvoir leurs marques, leurs produits et plus généralement leur image auprès du public. Pour favoriser la confiance des consommateurs et véhiculer une image positive auprès du plus grand nombre d’internautes, les entreprises sont soucieuses de développer et de contrôler leur réputation numérique (e-réputation) qui est devenue un enjeu de positionnement stratégique majeur.

Néanmoins, les risques d’atteinte à cette e-réputation sont accrus compte tenu de la multiplication des espaces de discussions sur internet offrant la possibilité aux clients, fournisseurs ou partenaires mécontents mais également aux salariés de l’entreprise de publier en quelques clics sur le web – via des forums, des blogs, des réseaux sociaux – des commentaires négatifs voire des informations sensibles sur son activité.

Si la liberté d’expression constitue le principe régissant toute publication dont celles sur internet, plusieurs instruments juridiques peuvent être utilisés pour sanctionner ses abus et défendre l’e-réputation des entreprises notamment sur le terrain de l’injure, de la diffamation ou du droit de réponse pour des propos dirigés à l’encontre de l’entreprise ou des membres de son personnel (cf. loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 ; loi du 29 juillet 1982 ; décret 2007-1527 du 27 octobre 2007).

D’autres outils de nature contractuelle peuvent également être utilisés pour limiter la liberté d’expression des salariés de l’entreprise sur internet.

Ainsi la Cour d’appel de Douai, par un arrêt du 16 avril 2012, a jugé qu’un salarié ayant publié sur son blog et ses sites web accessibles au public, des informations sur la société de son ancien employeur, son activité, ses méthodes commerciales et de travail dont il avait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions, avait violé la clause de confidentialité stipulée dans son contrat de travail qui lui imposait la plus grande discrétion, même après son départ de l’entreprise.

La clause intitulée « secret professionnel » stipulait en effet que  « Le salarié s’engage d‘une façon absolue à garder la discrétion la plus grande sur tout ce qui concerne l‘activité de la société telle qu’il en aura connaissance dans l’exercice de ses fonctions et ce, en tout domaine et y compris à l’expiration du présent contrat ».

Après avoir observé que ces termes contractuels ne portaient pas atteinte à la liberté d’expression des salariés, dès lors qu’ils étaient justifiés par la nature de la tâche à accomplir et proportionnés au but recherché (résultant en l’espèce de la fonction de l’employé et de son accès à des données techniques et commerciales sensibles), la Cour a retenu que la violation de cette clause de confidentialité engage la responsabilité du salarié en application des articles 1134 et 1147 du code civil.

Les juges ont également considéré que la prétendue véracité des propos diffusés sur le blog n’exonérait pas leur auteur de sa responsabilité.

Par conséquent, la publication de toute information relative à l’activité d’une entreprise, quelle que soit leur nature et/ou leur objectivité, sur le blog ou le site web personnel de salariés (actuellement en poste ou non) au détriment de l’obligation de confidentialité prévue dans leur contrat de travail est jugée constitutive d’une violation des obligations contractuelles du salarié.

Sur ce fondement, la Cour a confirmé le jugement de première instance ordonnant notamment le retrait du blog des contenus négatifs visant la société de l’employeur et la publication de la décision rendue. Cette jurisprudence tend ainsi à reconnaître aux employeurs un moyen d’action juridique efficace leur permettant de protéger l’e-réputation de leur entreprise contre les publications déloyales ou dénigrantes de leurs salariés sans préjudice des autres éventuels recours susceptibles d’être exercés au civil comme au pénal sur le fondement des abus de la liberté d’expression.

Sabine DELOGES

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