La CJUE érige le très subjectif sentiment de satisfaction du consommateur comme possible élément de la garantie commerciale offerte par le vendeur.

Le 28 septembre 2023, la Cour de Justice de l’Union Européenne a rendu un arrêt novateur érigeant le sentiment de satisfaction du consommateur comme possible élément de la garantie commerciale offerte par le vendeur.

Dans les faits, une entreprise avait apposé des étiquettes volantes (« Hang-Tags ») sur des T-shirts qu’elle vendait, et comportant une déclaration selon laquelle le consommateur bénéficiait d’une garantie à vie consistant en la reprise pure et simple du produit sur la seule manifestation d’insatisfaction du client ; la seule condition pour lui résidant dans le fait d’indiquer le lieu et la date de l’achat.

Saisie sur la conformité d’une telle déclaration vis-à-vis de la réglementation relative à la garantie commerciale, une cour fédérale allemande a décidé d’adresser une question préjudicielle aux juges européens, afin de savoir :

  • S’il est possible d’inclure la satisfaction du consommateur en tant qu’élément de la garantie commerciale – c’est-à-dire des circonstances subjectives inhérentes à la personne du consommateur et, partant, non liées à l’état ou aux caractéristiques du bien ?
  • Et dans le cas où la réponse serait positive, si la preuve de l’absence de satisfaction du consommateur doit être établie sur la base de circonstances objectives ?

Deux directives européennes sont ici mobilisées : la directive 2011/83 du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, et la directive n°2019/771 du 20 mai 2019 relative à certains aspects concernant les contrats de vente de biens.

Toutes deux poursuivent un objectif commun de protection des consommateurs sur le territoire européen et se partagent la définition – quasi similaire – de la garantie commerciale[1], qui consiste à caractériser cette dernière dès lors que sont réunis les éléments suivants :

  • Un engagement du professionnel à l’égard du consommateur allant au-delà de ses obligations légales tenant à la conformité du bien vendu ;
  • Engagement devant porter sur le remboursement du prix d’achat, le remplacement ou la réparation du bien (ou de la prestation de tout autre service en relation avec le bien) ;
  • Lorsque le bien ne répond pas aux spécifications ou à d’autres éléments éventuels non liés à la conformité ;
  • L’engagement devant être énoncé dans une déclaration de garantie ou dans une publicité faite avant l’achat ou au moment de celui-ci.

Partant, la Cour commence logiquement son analyse en se penchant sur la définition donnée à la garantie commerciale pour constater qu’aucun élément ne permet d’exclure de son champ d’application un engagement qui porterait sur la satisfaction du consommateur à l’égard du produit acheté, laissée par conséquent à sa pure appréciation subjective.

Elle relève en effet que la définition ne procède que d’une simple référence à « tout engagement » du vendeur « en plus de ses obligations légales tenant à la garantie de conformité » en ne faisant allusion qu’à d’« autres éléments éventuels », ce qui permet d’accueillir un élément subjectif apprécié par le consommateur lui-même ; en ce inclu sa satisfaction personnelle, qu’il peut tirer du produit acheté indépendamment de toute considération objective liée aux caractéristiques ou qualités dudit produit.

En outre, pour les juges européens, inclure cette dimension subjective du fait de la déclaration du vendeur professionnel demeure conforme à l’objectif commun des deux directives résidant en l’assurance d’un niveau élevé de protection des consommateurs en garantissant leur information et leur sécurité dans leurs transactions avec les professionnels.

Les juges ajoutant par ailleurs qu’un tel engagement de la part du professionnel de reprendre un bien acheté dans le cas où le consommateur ne serait pas satisfait relève de sa liberté d’entreprendre telle qu’elle est consacrée par l’article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

Enfin, sur le point de savoir de quelle manière il convient d’apporter la preuve de l’absence de satisfaction du consommateur, la Cour relève de manière parfaitement cohérente que cette notion relève de la pure appréciation subjective du consommateur et qu’il est ainsi impossible d’en attendre une preuve par des éléments objectifs : la seule affirmation en ce sens du consommateur doit dès lors être considérée comme suffisante.

A la lumière de cette décision, il conviendra pour les vendeurs professionnels de faire preuve de prudence dans la formulation des différentes déclarations qu’ils pourraient être tentés de faire aux consommateurs avant ou au moment de la vente.

Avec la contribution de Antoine AMOROS

Stagiaire au département de droit économique


[1] Art. 2, point 14, de la directive n°2011/83 : « «garantie commerciale», tout engagement du professionnel ou d’un producteur (ci-après «garant») à l’égard du consommateur, en plus de ses obligations légales tenant à la garantie de conformité, en vue du remboursement du prix d’achat, du remplacement ou de la réparation du bien ou de la prestation de tout autre service en relation avec le bien si ce dernier ne répond pas aux spécifications ou à d’autres éléments éventuels non liés à la conformité énoncés dans la déclaration de garantie ou dans la publicité correspondante faite au moment de la conclusion du contrat ou avant celle-ci » ;

Art. 2, point 12, de la directive n°2019/771 : « «garantie commerciale»: tout engagement du vendeur ou du producteur (le garant) à l’égard du consommateur, en plus des obligations légales du vendeur tenant à la garantie de conformité, en vue du remboursement du prix d’achat, du remplacement ou de la réparation du bien ou de la prestation de tout autre service en relation avec le bien si ce dernier ne répond pas aux spécifications ou à d’autres exigences éventuelles non liées à la conformité énoncées dans la déclaration de garantie ou dans la publicité correspondante faite au moment de la conclusion du contrat ou avant celle-ci ».