L’usage contrefaisant d’une marque par un tiers peut-il justifier le défaut d’usage de cette marque par son titulaire ?

OHMI, 4ème ch. De recours, 28 janvier 2015, R2425/2013-4, Chronopost/DHL Express France

La décision commentée s’inscrit dans un cadre procédural plus large qu’il convient de rappeler. La société Chronopost est titulaire de deux marques, l’une française, l’autre communautaire, WEBSHIPPING. En 2004, elle assigne la société DHL en contrefaçon de ses marques. Le Tribunal de Grande Instance de Paris puis la Cour d’appel en 2007 retiennent la contrefaçon et interdisent la poursuite des actes litigieux, sous astreinte. L’affaire est portée devant la Cour de cassation s’agissant de la portée territoriale des mesures d’interdiction, qui feront l’objet d’une question préjudicielle auprès de la CJUE qui, pour rappel, indiquera que les mesures d’interdiction prononcées par le tribunal des marques communautaires s’étendent à l’ensemble du territoire de l’Union Européenne. Le 29 novembre 2011, la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel, qui avait limité les mesures d’interdiction au territoire français. La Cour d’appel de renvoi (Cour d’appel de Paris, 25 novembre 2014) décide néanmoins de surseoir à statuer dans l’attente de la décision de la Chambre de Recours de l’OHMI portant sur une action parallèle de DHL en déchéance de la marque communautaire WEBSHIPPING faute d’usage sérieux par Chronopost.

Pour contester l’action en déchéance devant l’OHMI, la société Chronopost faisait valoir que l’usage contrefaisant de sa marque par la société DHL constituait un « juste motif » ayant entravé l’usage sérieux de cette marque.

La Chambre de recours relève tout d’abord que les faits de contrefaçon sont avérés dès lors qu’ils ont été reconnus par les Tribunaux français. La Chambre estime que la société DHL a effectivement empêché l’usage de la marque litigieuse en se l’appropriant en dépit des droits antérieurs, et en ne respectant aucune des mesures d’interdictions prononcées à son encontre. Elle relève encore qu’obliger le titulaire de la marque antérieure à utiliser sa marque dans ces circonstances entraînerait nécessairement un risque de confusion dans l’esprit du public.

La Chambre en conclut que la société Chronopost disposait donc de justes motifs de ne pas utiliser sa marque ; Ajoutant que sa décision est conforme « à la justice naturelle ». La Chambre de recours semble ainsi avoir considéré dans cette espèce que la société DHL ne pouvait pas bénéficier de ses actes de contrefaçon pour obtenir la déchéance d’une marque enregistrée dont la validité avait été reconnue par les Tribunaux français. Pour autant, d’un point de vue strictement juridique, la décision peut faire débat dans la mesure où les justes motifs du défaut d’usage doivent en théorie être indépendants de la volonté du titulaire de droits.

En l’espèce, s’il est probable que l’usage de la marque WEBSHIPPING par la société DHL ait pu impacter négativement l’usage de cette marque par son titulaire, la question demeure néanmoins de savoir si le défaut d’usage par son titulaire était totalement indépendant de sa volonté.

L’on relèvera néanmoins que DHL avait également soulevé la déchéance pour défaut d’usage sérieux de la marque française WEBSHIPPING dans le cadre de la procédure en contrefaçon devant les juridictions françaises, et que la Cour d’appel de Paris, en 2007, avait également retenu l’existence de justes motifs s’agissant du défaut d’usage sérieux de la marque française WEBSHIPPING.

Anne Sophie LABORDE

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