L’employeur seul maître des moyens supplémentaires accordés au CHSCT

Cass. Soc. 22 février 2017, 15-22392

Le CHSCT ne peut pas s’octroyer unilatéralement des moyens supplémentaires. Le CHSCT commet un abus dans l’exercice de son droit d’agir en imposant à l’employeur le recours à une société extérieure sans démontrer en quoi les moyens supplémentaires proposés par l’employeur étaient insuffisants.

Bien que le CHSCT ne dispose pas de budget propre, l’employeur est tout de même tenu de lui octroyer les moyens nécessaires à la préparation et à l’organisation de ses réunions, ainsi qu’aux déplacements imposés par les enquêtes ou inspections dont il a la charge (C.trav.art. L.4614-9).

Il revient à l’employeur de mettre notamment à sa disposition les moyens informatiques nécessaires, de reproduction, de transmission et de diffusion des procès-verbaux, ainsi qu’une documentation juridique et technique adaptée aux risques particuliers de l’établissement (Circ.DRT n°93-15 du 25 mars 1993 I-1 p.25).

Dans le silence des textes, le versement d’une contribution financière est conditionné à sa mise en place par un usage, une décision unilatérale ou un accord collectif. Cela signifie que si le CHSCT souhaite obtenir davantage de moyens de la part de l’employeur, une négociation s’impose.

Ainsi, par son arrêt du 22 février dernier, la chambre sociale de la Cour de cassation palie une rédaction imprécise de l’article L.4614-9 du Code du travail, en indiquant que l’employeur a le dernier mot quant aux moyens supplémentaires qu’il peut accorder au CHSCT.

En l’espèce, un CHSCT avait décidé, par deux délibérations, de recourir à un prestataire extérieur pour rédiger 92 procès-verbaux de réunions en attente. Au soutien de ses prétentions, il avançait que le nombre extrêmement important de réunions du comité, qui s’élevait depuis plusieurs années à 4 par mois, entrainait un travail de rédaction auquel le secrétaire ne pouvait pas faire face.

Dès lors, pour le CHSCT, les termes de l’article L.4614-9 du Code du travail impliquaient la possibilité pour le secrétaire de faire appel, en cas de nécessité, à une entreprise extérieure pour la rédaction des procès-verbaux de ses réunions.

De son côté, l’employeur refusait de financer le recours à un prestataire extérieur et sollicitait l’annulation de ces deux délibérations, dans la mesure où il avait déjà proposé plusieurs solutions visant à faciliter le travail du secrétaire, par l’allocation d’un crédit d’heures supplémentaires et l’attribution de matériel informatique et téléphonique supplémentaire notamment.

A titre reconventionnel, le CHSCT sollicitait la condamnation de l’employeur à payer les factures du prestataire.

Pour les juges du fond comme pour la Cour de cassation, la demande de l’employeur d’annuler les délibérations doit être accueillie et celle du CHSCT rejetée.

En effet, dans son attendu, la Cour de cassation explicite l’article L.4614-9 du Code du travail en indiquant que le CHSCT n’est pas fondé à décider unilatéralement de l’octroi de moyens supplémentaires et, dès lors, il n’est pas compétent pour décider du recours à un prestataire extérieur.

La Cour de cassation nous indique que le choix de recourir à un prestataire extérieur appartient donc à l’employeur, qui a la maîtrise des moyens supplémentaires accordés au CHSCT. En cas de désaccord, il appartient au CHSCT de contester en justice le choix opéré par l’employeur. Ce faisant la Cour de cassation pose des limites aux obligations de l’employeur quant aux moyens accordés au CHSCT.

Par ailleurs, le fait d’imposer à l’employeur le recours à une société extérieure, sans démontrer en quoi les moyens supplémentaires alloués par lui étaient insuffisants est constitutif d’un abus du CHSCT dans son droit d’agir selon la Cour de cassation.

Celle-ci le prive donc de la prise en charge de ses frais d’avocat par l’entreprise.

Dès lors, l’arrêt commenté illustre une exception au principe selon lequel les frais de procédure engagés par le CHSCT sont pris en charge par l’employeur (soc.25 juin 2002 n°00-13.375).

Il est permis de penser que la Cour de cassation aurait sans doute écarté l’abus de droit si (i) le CHSCT n’avait pas mis l’employeur devant le fait accompli et (ii) la surcharge de travail du secrétaire avait été justifiée notamment en l’absence de propositions de solutions par l’employeur.

Manon CAVATORE

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