L’article L212-4 du CPI ne s’applique pas aux contrats des artistes –interprètes engagés pour l’enregistrement d’une musique de film

Cass, Civ 1ère , 29 mai 2013, n° 12/16583, SPEDIDAM c/ INA

La 1ère Chambre Civile de la Cour de cassation s’est prononcée sur la question de la prise en compte des contrats d’artistes-interprètes engagés pour l’enregistrement de musique de film dans le champ d’application de l’article L.212-4 du Code de la Propriété Intellectuelle (CPI).

En l’espèce, l’INA avait commercialisé l’enregistrement de l’interprétation du «Bourgeois Gentilhomme» diffusé par l’ORTF en 1968, sans avoir obtenu l’autorisation des 31 artistes-interprètes ayant participé à l’accompagnement musical de l’œuvre audiovisuelle.

La SPEDIDAM avait donc engagé une action aux fins d’obtenir réparation tant du préjudice personnel de chacun des artistes interprètes que du préjudice collectif de la profession en se fondant sur les dispositions de l’article L.212-3 du CPI qui prévoit que «Sont soumises à l’autorisation écrite de l’artiste-interprète la fixation de sa prestation, sa reproduction et sa communication au public, ainsi que toute utilisation séparée du son et de l’image de la prestation lorsque celle-ci a été fixée à la fois pour le son et l’image».

L’INA, pour sa défense, lui avait opposé l’article L.212-4 CPI qui dispose que «la signature du contrat conclu entre un artiste-interprète et un producteur pour la réalisation d’une œuvre audiovisuelle vaut autorisation de fixer, reproduire et communiquer au public la prestation de l’artiste-interprète».

L’INA soutenait en effet que chacun des musiciens avait signé, pour l’enregistrement de sa prestation, une feuille de présence se présentant sous la forme d’un formulaire type indiquant le nom du réalisateur, le titre de l’œuvre, les modalités de réalisation de la prestation (jour, heure de l’enregistrement, etc), le montant de la rémunération et au verso, diverses dispositions relatives aux conditions générales d’engagement de l’artiste-interprète, dont une précisant que la feuille de présence signée par le musicien constituait un «contrat de travail à durée et objet déterminés».

La SPEDIDAM contestait l’application de l’article L.212-4 CPI estimant que le contrat n’avait pas été signé pour la réalisation d’une œuvre audiovisuelle car les musiciens n’avaient pas participé à la réalisation de l’œuvre audiovisuelle mais seulement à l’interprétation et à l’enregistrement d’une œuvre musicale autonome destinée à être synchronisée, en tant que bande sonore, à l’œuvre audiovisuelle.

La Cour d’appel n’a pas suivi cet argument et a débouté la SPEDIDAM de ses demandes en considérant que l’accompagnement musical n’était aucunement séparable de l’œuvre audiovisuelle mais en était partie prenante, dès lors que son enregistrement était effectué pour sonoriser les séquences animées d’images et constituer ainsi la bande son de l’œuvre audiovisuelle. Elle en a déduit que la feuille de présence signée, lors de l’enregistrement, par chacun des musiciens constituait un contrat conclu entre un artiste-interprète et un producteur pour la réalisation d’une œuvre audiovisuelle emportant l’autorisation, au bénéfice du producteur, de fixer, reproduire et communiquer au public la prestation de l’artiste-interprète.

Ne partageant pas cette analyse, la Cour de cassation casse l’arrêt au visa des articles L.212-3 et L.212-4 du CPI précisant «qu’il résulte de ces textes que la signature d’un contrat entre un artiste-interprète et un producteur ne vaut autorisation de fixer, reproduire et communiquer au public la prestation de l’artiste-interprète que s’il a été conclu pour la réalisation d’une œuvre audiovisuelle». La Cour de cassation considère qu’en l’espèce, le contrat souscrit par chacun des interprètes de la composition musicale destinée à figurer dans la bande sonore de l’œuvre audiovisuelle ne constitue pas un contrat conclu pour la réalisation d’une œuvre audiovisuelle.

La Cour de cassation semble donc refuser de faire entrer dans le champ d’application de l’article L.212-4 CPI les contrats des musiciens engagés pour l’enregistrement de musiques de film.

Cet arrêt n’a pas de répercussion notable sur les productions récentes puisque, en pratique, les producteurs de films font signer aux musiciens comme aux autres artistes-interprètes, des cessions de droits détaillées.

Il convient de souligner que cet arrêt a été rendu en totale contradiction avec les conclusions de l’avocat général saisi de ce dossier à la Cour de cassation et que si cette dernière a clairement donné sa position sur la question de l’application des dispositions des articles L.212-3 et L.212-4 du CPI, il appartiendra à la Cour d’appel de renvoi de juger ce point.

Saskia BOUROVITCH

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