Juridiction compétente au sein de l’Union européenne en matière de rupture brutale

La société Ambrosi, établie en France, a assuré la distribution pendant 25 ans, en l’absence de contrat écrit, des produits alimentaires de la société Granarolo, établie en Italie. Granarolo ayant mis fin aux relations, elle est assignée par Ambrosi devant le Tribunal de commerce de Marseille sur le fondement de la rupture brutale des relations commerciales établies (article L. 442-6 I 5° du Code de commerce).

Par un jugement du 29 juillet 2014, cette juridiction s’est déclarée compétente en indiquant (i) que cette action était de nature délictuelle et (ii) que le lieu de survenance du dommage était situé en France, au siège d’Ambrosi. La société Granarolo a formé contredit devant la Cour d’appel de Paris en soutenant que (i) l’action relevait de la matière contractuelle et que (ii) les juridictions italiennes étaient compétentes, dans la mesure où le contrat liant les parties était un contrat de vente de marchandises livrables en Italie en application de l’Incoterm Ex-work.

La Cour d’appel de Paris a alors saisi la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) de deux questions préjudicielles afin de déterminer (i) si l’action fondée sur la rupture brutale des relations commerciales établies relève de la matière délictuelle ou contractuelle et (ii) si les relations commerciales des sociétés Ambrosi et Granarolo doivent être qualifiées de contrat de vente de marchandises ou de contrat de fourniture de services.

Le 14 juillet 2016, la CJUE indique, sur la première question, « qu’une action indemnitaire fondée sur une rupture brutale de relations commerciales établies de longue date (…) ne relève pas de la matière délictuelle ou quasi délictuelle (…) s’il existait, entre les parties, une relation contractuelle tacite, ce qu’il revient à la juridiction de renvoi de vérifier». La Cour précise que l’existence d’une relation contractuelle tacite repose « sur un faisceau d’éléments concordants, parmi lesquels sont susceptibles de figurer notamment l’existence de relations commerciales établies de longue date, la bonne foi entre les parties, la régularité des transactions et leur évolution dans le temps exprimée en quantité et en valeur, les éventuels accords sur les prix facturés et/ou sur les rabais accordés, ainsi que la correspondance échangée».

Sur la seconde question, la Cour indique que «des relations commerciales établies de longue date (…) doivent être qualifiées de «contrat de vente de marchandises » si l’obligation caractéristique du contrat en cause est la livraison d’un bien ou de « contrat de fourniture de services » si cette obligation est une prestation de services, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer ».

Cette décision va donc à l’encontre de la position des juridictions françaises qui considèrent généralement qu’une action basée sur la rupture brutale des relations commerciales est de nature délictuelle.

Cour de Justice de l’Union Européenne, 14 juillet 2016, affaire C-196/15