Jouer sur la plage ou danser en discothèque lors d’un séminaire ou d’une mission à l’étranger : sanction ou protection ?

Cass. Soc. 12 octobre 2017, 16-22481
Cass. Soc. 18 octobre 2017, 16-15030

Deux arrêts récents illustrent la situation particulière du salarié lors d’un séminaire ou en mission.

Danser la nuit en discothèque lors d’une mission à l’étranger : l’accident est présumé être un accident du travail

Un salarié en mission en Chine a déclaré à son employeur avoir été victime d’un accident du travail, précisant s’être blessé à la main, ayant glissé en dansant à 3 heures du matin dans une discothèque. L’employeur a transmis une déclaration d’accident à la CPAM, tout en faisant des réserves. Après enquête, la CPAM a décidé de prendre en charge l’accident au titre de la législation professionnelle. L’employeur a contesté cette décision.

Par principe, l’accident survenu lors d’une mission à l’étranger bénéficie de la présomption d’imputabilité de l’accident du travail, qu’il soit survenu à l’occasion d’un acte professionnel ou d’un acte de la vie courante, cette présomption étant renversée lorsqu’il est démontré que, lors de la survenance de l’accident, le salarié avait interrompu sa mission pour un motif personnel.

Selon l’employeur, la preuve de l’interruption de la mission pour un motif personnel avait été apportée, ce qui permettait de renverser la présomption d’imputabilité de l’accident du travail, compte tenu des circonstances de temps et de lieu de l’accident sans rapport avec la mission confiée au salarié.

Selon la Cour d’appel, si la présence du salarié dans une discothèque et l’action de danser n’est pas – vu sa profession – un acte professionnel en tant que tel, il incombe à l’employeur de démontrer que le salarié se trouvait dans la discothèque pour un motif personnel, la seule présence dans ce lieu ne pouvant suffire à démontrer qu’il n’existerait aucun lien avec l’activité professionnelle. Aucun des éléments versés aux débats ne permettait d’exclure que le salarié se serait rendu en discothèque pour les besoins de sa mission en Chine, sa présence pouvant avoir pour but, par exemple, d’accompagner des clients ou de répondre à une invitation dans le cadre de sa mission. La Cour d’appel souligne que ni l’intéressé, ni le témoin mentionné sur la déclaration d’accident, ni les personnes susceptibles de donner des informations n’ont été interrogés et que l’indication dans le courrier de réserves que le salarié se serait rendu en discothèque « de sa propre initiative » ne résulte que d’une simple affirmation de l’employeur.

La Cour de cassation rejette le pourvoi : l’employeur ne rapportant pas la preuve que le salarié avait interrompu sa mission pour un motif personnel lors de la survenance de l’accident, il en résultait qu’il bénéficiait de la présomption d’imputabilité au travail (Cass. Soc. 12 octobre 2017, 16-22481).

Dans de pareilles circonstances, l’employeur doit donc être particulièrement vigilant lorsqu’il rédige des réserves lors de la déclaration de l’accident du travail.

Faire la fête sur une plage la nuit entre deux journées de séminaire : les faits ressortent en principe de la vie privée et ne peuvent faire l’objet d’une sanction disciplinaire

Un laboratoire pharmaceutique avait organisé un séminaire professionnel à Biarritz. Entre les deux journées de travail, le Chef des ventes et plusieurs membres de l’équipe dont il était responsable, s’étaient retrouvés sur la plage à 3 heures du matin, après avoir passé la soirée au restaurant et en boite de nuit. Lors de la soirée sur la plage, une salariée a été blessée par un collègue au cours d’une « scène de chahut », impliquant un arrêt de travail d’un mois (la salariée blessée avait été « attrapée par un collègue et portée sur son épaule comme un sac de ciment pour l’amener à l’eau toute habillée ». L’arrêt ne précise pas si le caractère professionnel de l’accident a été reconnu…).

Trois semaines après cet indicent, l’employeur a licencié le Chef des ventes au motif de manquements au titre de son management, suite aux événements survenus dans la soirée lors du séminaire, lui reprochant notamment :

– des éventuelles incidences négatives de cette sortie nocturne sur le déroulement de la journée de travail du lendemain, dès lors qu’il était souhaitable que les équipes soient en pleine possession de leurs moyens,

– une mauvaise gestion des suites de l’accident dont a été victime sur la plage un membre de son équipe,

– d’entretenir au sein de son équipe un climat pouvant amener ses collaborateurs à considérer qu’un chahut tel que celui à l’origine de l’accident est normal,

– ne pas avoir envisagé une sanction disciplinaire à l’encontre du membre de son équipe à l’origine de l’accident.

Le Conseil de Prud’hommes et la Cour d’appel ont jugé que le licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse. Selon une jurisprudence constante, une mesure de licenciement ne peut reposer sur des faits intervenus au cours de la vie privée, excepté s’il apparaît que ceux-ci ont entrainé un trouble objectif caractérise au sein de l’entreprise et qu’ils peuvent être directement rattachés à la vie professionnelle du salarié.

L’employeur avait fait valoir que cette sortie nocturne était bien rattachée à la vie professionnelle, eu égard notamment aux possibles conséquences de cette soirée sur la suite du séminaire. L’employeur soulignait également que le salarié avait sollicité le remboursement des frais exposés pendant le séminaire, y compris pendant la soirée précédant la plage.

Le pourvoi de l’employeur est rejeté : pour juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse, la Cour d’appel a relevé que le rattachement à la vie professionnelle n’était pas apporté : participant à un séminaire professionnel se déroulant sur deux jours, le salarié se trouvait lors des événements de la nuit dans un temps ressortant de sa vie privée « sans que la qualité du travail réalisée le lendemain en fut affectée par l’absence ou la fatigue des salariés » (Cass. Soc. 18 octobre 2017, n° 16-15030).

Muriel de LAMBERTERIE

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