Indépendance des consultations ponctuelles du CSE sur les consultations récurrentes

La Cour de cassation vient de mettre un terme au débat relatif à l’articulation des consultations récurrentes et ponctuelles du CSE (Cass. soc., 21 sept. 2022, 20-23660). La haute juridiction juge qu’elles sont indépendantes et qu’en conséquence les secondes ne sont pas subordonnées à la consultation préalable du comité dans le cadre des premières.

Il est ainsi mis fin à l’incertitude judiciaire à laquelle étaient confrontées les entreprises depuis quelques années.

Dans la plupart des cas, le litige nait à l’occasion d’une restructuration. Conformément à ses obligations légales, l’employeur procède alors à la consultation « ponctuelle » de son CSE quant à son projet de restructuration et de compression des effectifs (art. L2312-37 2° c. trav. et art. L2312-39 c. trav.). Si nécessaire, il procède en outre à une consultation, « ponctuelle » également, sur le projet de licenciement collectif (art. L1233-30 2° c. trav. en cas de PSE). Dans d’autres cas, les litiges sont nés à l’occasion de projet de cession (la consultation du CSE s’imposant alors en raison de la modification de l’organisation économique et juridique de l’entreprise, art. L2312-8 II. 2° c. trav.).

Lors de ces différentes procédures, des CSE ont en effet saisi les juridictions en référé, arguant d’un trouble manifestement illicite, en considérant qu’ils devaient, de surcroît, être consultés au titre dudit projet dans le cadre de la consultation « récurrente » sur les orientations stratégiques de l’entreprise (art. L2312-24 c. trav.).

Certaines juridictions du fond leur ont fait droit et ont suspendu la mise en place des projets en imposant aux employeurs d’également préalablement consulter leurs comités sur les orientations stratégiques de l’entreprise et en assortissant parfois leurs décisions d’astreintes (TGI Nanterre, référé, 28 mai 2018, n°18/01187 ; TGI Nanterre, référé, 30 mai 2018, 18/00552 ; TGI Nanterre, référé, 11 juillet 2019, 19/02211 ; CA Paris, 6-2, 29 octobre 2020, n°10/04265).

Au contraire, d’autres juridictions du fond ont affirmé l’indépendance des consultations ponctuelles et récurrentes (CA Paris, 6-2, 3 mai 2018, n°17/09307).

Avec son arrêt du 21 septembre 2022, « publié au bulletin et au rapport », à propos d’un projet de fermeture d’établissement et de résiliation d’un contrat de prestation, la Cour de cassation dit le droit : « la consultation ponctuelle sur la modification de l’organisation économique ou juridique de l’entreprise ou en cas de restructuration et compression des effectifs n’est pas subordonnée au respect préalable par l’employeur de l’obligation de consulter le comité social et économique sur les orientations stratégiques de l’entreprise » (§ 8). D’après la haute juridiction : « par son objet et par sa temporalité, cette consultation [sur les orientations stratégiques] a été définie indépendamment des consultations ponctuelles. Elle offre un cadre à une discussion prospective sur l’avenir général de l’entreprise, distincte des consultations ponctuelles du comité social et économique relatives à un projet déterminé de l’employeur ayant des répercussions sur l’emploi, notamment en matière de restructurations » (note explicative).

Il est donc désormais définitivement exclu que la régularité de la consultation du CSE sur un projet soit subordonnée au respect préalable par l’employeur de consulter le même comité dans le cadre des orientations stratégiques de l’entreprise.

Rendu à propos de l’obligation de consultation et d’information récurrente sur les orientations stratégiques de l’entreprise, le principe est, à notre sens, transposable aux deux autres consultations récurrentes : situation économique et financière ainsi que politique sociale, conditions de travail et emploi ; un projet déterminé est uniquement soumis à la consultation ponctuelle du CSE avant de pouvoir être mis en place.