Garantie de passif : sanction du défaut d’information du cédant par l’acquéreur en cas de contrôle fiscal

Arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 18 mai 2016, n°14.22.354

La Chambre commerciale de la Cour de cassation précise par cet arrêt qu’il n’y a pas de déchéance de plein droit de la garantie de passif consentie par un cédant à un acquéreur en cas de défaut d’information du premier par le second lorsque cette garantie ne prévoit pas expressément la sanction de ce défaut d’information. Toutefois, le cédant qui subit une perte de chance de porter une réclamation contentieuse en conséquence de ce défaut d’information peut obtenir une diminution de la somme qu’il doit verser à l’acquéreur au titre de ladite garantie.

Les clauses de garantie de passif prévoient généralement l’obligation pour l’acquéreur d’informer le cédant de tout évènement susceptible de mettre en jeu la garantie dès que cet acquéreur en a connaissance, et notamment en matière de contrôle fiscal, afin de permettre au cédant de faire valoir ses observations. En outre, il est souvent prévu que le cédant pourra participer à la conduite de la procédure dirigée contre la société ou la conduire lui-même comme c’est le cas en l’espèce.

En effet, le cédant d’actions d’une société avait conclu avec l’acquéreur, au moment de la cession desdites actions, une garantie de passif prévoyant notamment dans une clause intitulé « gestion des litiges » que « il lui aura été proposé d’être seul en charge, à ses frais, de la conduite de toute décision, négociation, instance ou procédure relative aux réclamations de tiers et aux litiges en cours ».

Or, alors qu’un contrôle fiscal de la Société était en cours depuis plusieurs mois, le cédant n’en avait été informé que quelques jours avant l’expiration du délai pour présenter d’éventuelles observations à l’administration fiscale.

Suite au redressement fiscal de la Société ayant résulté de ce contrôle, l’acquéreur avait exercé la garantie et demandé au cédant de lui verser une indemnité à hauteur du redressement subi par la Société.

Le cédant avait alors objecté que le défaut d’information du contrôle fiscal l’avait privé de la possibilité de prendre en charge la gestion de ce litige en violation des dispositions de la garantie de passif et qu’il avait dès lors perdu toute chance de faire aboutir favorablement une réclamation contentieuse. En conséquence, il estimait que l’acquéreur devait être déchu de son droit d’exercer la garantie et de réclamer toute somme à son encontre.

La question était donc de savoir quelle était la conséquence du non-respect par l’acquéreur de la clause contractuelle d’information et de la perte de chance subie par le cédant, sachant que la garantie ne prévoyait aucune sanction expresse à l’encontre de l’acquéreur dans cette hypothèse. Sa violation entraînait-t-elle la déchéance de la garantie ?

Concernant la perte de chance, la jurisprudence considère que la perte de chance est réparable chaque fois qu’est constatée la disparition d’une éventualité favorable mais que la seule perte de chance interdit d’allouer une indemnité égale au bénéfice que le demandeur aurait réalisé de l’opération escompté .

En l’espèce, la Cour d’appel avait considéré que le cédant avait perdu une chance raisonnable d’éviter de subir les conséquences du préjudice invoqué par l’acquéreur et avait ainsi affecté un coefficient proportionnel à cette perte de chance. Elle avait évalué la perte de chance de présenter une réclamation à 95%, mais les chances de succès de cette réclamation étant très incertaines, elle avait condamné le cédant à hauteur de moins de la moitié du préjudice résultant du redressement fiscal.

La Cour de cassation considère que la Cour d’appel a caractérisé la chance raisonnable perdue par le cédant d’éviter de subir les conséquences du préjudice invoqué par la société et qu’en affectant à ce préjudice un coefficient proportionnel à cette perte de chance (coefficient apprécié souverainement par la Cour d’appel), celle-ci a légalement justifié sa décision.

Il ressort de la présente jurisprudence qu’il n’y pas de déchéance de plein droit du fait du non respect d’une clause contractuelle d’information à défaut de clause contractuelle expresse en ce sens. La garantie s’applique toujours. En revanche, l’indemnisation en résultant doit être modérée du fait de la perte de chance subie par le cédant.

Cet arrêt démontre l’intérêt pour le cédant de prévoir expressément dans la garantie que le non-respect par l’acquéreur de son obligation d’information au titre d’un évènement pouvant mettre en jeu la garantie entraînera l’impossibilité pour celui-ci de se prévaloir de la garantie. En effet, en ce cas, les juges ne pourront pas faire échec à la déchéance de la garantie prévue au contrat dès lors que l’acquéreur n’a pas respecté son obligation contractuelle d’information du cédant .

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