Facebook : la clause attributive de compétence doit être réputée non écrite.

Cour d’appel de Pau, 23 mars 2012, M. R. c/ Facebook, RG n°11/03921

Le demandeur, M. R., s’est inscrit sur Facebook en 2007 et a vu son compte définitivement désactivé en 2010, sans explication de la part du site. Estimant que cette fermeture abusive lui avait porté préjudice, il a saisi le tribunal de proximité de Bayonne pour tenter d’obtenir 1 500 euros de dommages-intérêts. Le tribunal a rejeté sa demande et fait droit à l’argumentaire de la société américaine qui opposait son incompétence, au profit des juridictions de Californie, conformément aux conditions d’utilisation du site. M. R. a formé contredit à l’encontre de ce jugement.

Pour faire droit au contredit et renvoyer l’affaire devant la juridiction de proximité de Bayonne, en déclarant la clause attributive de compétence contenue dans les conditions d’utilisation de Facebook non écrite, la cour d’appel expose les éléments suivants :

– Elle qualifie tout d’abord les conditions d’utilisation du site de « contrat d’adhésion » dans la mesure où ces conditions sont dictées par la société Facebook ;

– Après avoir reconnu la licéité de principe des clauses dérogeant à la compétence territoriale, elle rappelle que celles-ci « ne sont opposables qu’à la partie qui en a eu connaissance et qui l’a acceptée au moment de la formation du contrat », conformément à l’article 48 du code de procédure civile.

Elle vérifie donc si, en l’espèce, l’utilisateur s’est engagé en pleine connaissance de cause. Elle relève pour cela que « la clause attributive de compétence à une juridiction des Etats-Unis est noyée dans de très nombreuses dispositions dont aucune n’est numérotée », qu’ « elle est en petits caractères et ne se distingue pas des autres stipulations », que la prise de connaissance des conditions est particulièrement « difficile sur un écran d’ordinateur ou de téléphone portable, pour un internaute français de compétence moyenne » et, qu’au moment de l’adhésion de M. R., les conditions d’utilisation n’étaient disponibles qu’en anglais. Elle relève enfin que l’internaute accepte l’ensemble des dispositions par un seul clic et non par un dispositif de signature électronique, son attention n’étant ainsi pas particulièrement attirée sur la clause litigieuse. Ces éléments amènent la cour à considérer que la clause attributive de juridiction doit être réputée non écrite, l’internaute ne semblant pas s’être engagé en connaissance de cause.

Cette clause étant écartée, elle relève que la société Facebook, bien qu’ayant son siège social à l’étranger, assure la fourniture de services en France, à destination d’internautes français. Elle en conclut que le demandeur pouvait saisir le tribunal de proximité de Bayonne, lieu de l’exécution de la prestation de service, et, subsidiairement, juridiction du lieu où le dommage a été subi, conformément à l’article 46 du code de procédure civile.

Cette décision, si elle venait à être confirmée, permettrait aux internautes d’attraire beaucoup plus facilement le site en justice. Néanmoins, la cour ne se prononce nullement sur le fond du contrat qui prévoit expressément la faculté pour le site de clôturer arbitrairement un compte dans le cas où l’utilisateur « enfrein[drait] la lettre ou l’esprit » des conditions générales d’utilisation du site.

 

Mathilde ALZAMORA

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