Du caractère impératif du délai de 15 jours pour contester des élections professionnelles

Cass. Soc. 12 avril 2016, 15-18652

Quelles que soient les irrégularités qui peuvent leur être reprochées, des élections non contestées dans le délai de 15 jours suivant la proclamation des résultats sont valides.

Une organisation syndicale (OS) avait obtenu 10% des suffrages lors des élections professionnelles des membres du comité d’entreprise d’une entreprise. Ladite élection fut annulée par un tribunal d’instance. L’employeur organisa donc, comme il y était tenu, de nouvelles élections. A l’occasion de ces nouvelles élections, la même OS n’obtint que 4% des suffrages.

Or, sont seules représentatives les organisations syndicales qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d’entreprise (art. L2122-1 c. trav.).

En outre, ce n’est que si elle est représentative qu’une OS peut désigner, dans les entreprises de 50 salariés et plus, un délégué syndical (DS) (art. L2143-3 c. trav.).

En l’espèce, le jugement du tribunal d’instance qui annula les premières élections fut cassé par la Cour de cassation après l’organisation des nouvelles élections. Considérant que les premières élections n’étaient donc plus annulées, l’OS concernée partit du principe qu’elle avait recueilli 10 % des suffrages et non 4%. Elle désigna donc un DS après l’arrêt de cassation. L’employeur contesta cette désignation.

L’OS devait-elle être considérée comme ayant recueilli 4% ou 10% des suffrages ? Dans le premier cas, la désignation du DS devait être annulée ; dans le second, elle devait être confirmée.

Dès lors que le jugement du tribunal d’instance ayant annulé les premières élections fut cassé par la Cour de cassation, ne fallait-il pas considérer que l’annulation desdites élections et l’organisation des élections suivantes étaient caduques et qu’ainsi l’OS concernée était représentative ? Ou seuls les résultats des nouvelles élections devaient être pris en compte ?

La Cour de cassation, dans un arrêt du 12 avril 2016, rappelle que pour la contestation de la régularité d’élections ou de la désignation de représentants syndicaux, la déclaration n’est recevable que si elle est faite dans les quinze jours suivant cette élection ou cette désignation (art. R2324-24 c. trav.). Or, la haute juridiction constata que les nouvelles élections n’avaient fait l’objet d’aucune contestation. Dès lors, le délai de 15 jours étant dépassé, les nouvelles élections étaient valides, peu important le résultat des premières élections pourtant finalement entérinées par la Cour de cassation.

Ainsi, c’étaient bien les résultats des secondes élections, auxquelles l’OS avaient obtenu 4% des suffrages, qui devaient être prises en compte. La désignation du DS devait donc être annulée.

Il pourrait être tentant de considérer qu’un pourvoi en cassation contre un jugement de tribunal d’instance annulant des élections – et imposant subséquemment l’organisation de nouvelles élections – est de peu d’intérêt dès lors que les élections suivantes seront, en tout état de cause, validées sauf à les contester dans les 15 jours de la proclamation des résultats. Or, dans ledit délai, la Cour de cassation n’aura pas encore rendu sa décision concernant les premières élections, partant le motif de saisine du juge concernant les élections suivantes n’existera pas encore.

Il nous semble néanmoins possible de saisir le tribunal d’instance dans les 15 jours suivant les nouvelles élections et de soulever une exception dilatoire. En effet, le code de procédure civile autorise le juge à suspendre l’instance lorsque l’une des parties invoque une décision frappée notamment de pourvoi en cassation (art. 110 cpc).

Ainsi, les nouvelles élections auront été contestées dans les délais et l’action reprendra une fois la décision de la Cour de cassation sur les premières élections rendue. Si la Cour de cassation casse le jugement ayant annulé les premières élections, il pourra être possible d’obtenir l’annulation des élections suivantes dont l’organisation ne sera plus justifiée.

Complexe et technique est le contentieux électoral…

Romain PIETRI

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