Droit moral de l’auteur : prescription quinquennale de droit commun pour l’exercice d’un droit perpétuel

CA Paris, Pôle 5, Ch. 2, 24 mars 2017

Si le droit moral de l’auteur est perpétuel, l’action visant à l’exercer est soumise à la prescription quinquennale de droit commun. Il s’agit d’une position fréquemment discutée dans le domaine du droit d’auteur et qui a été classiquement mise en œuvre par un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 24 mars 2017.

S’inspirant d’un tableau qui avait été offert par l’un des héritiers d’un peintre d’origine danoise, les musiciens d’un groupe mondialement renommé ont reproduit l’œuvre intitulée « La Jeune Fille au Bouquet » sur leur pochette d’album commercialisé en novembre 1970.

La contestation est née à la sortie du coffret collector édité à l’occasion du 40ème anniversaire de la sortie du disque, le 27 novembre 2009.

Saisis par une cohéritière, le Tribunal de grande instance de Paris et la Cour d’appel ont retenu que l’exploitation qui avait été faite de la peinture constituait une dénaturation portant atteinte au respect de l’œuvre, mais la demande fondée sur le droit de divulgation a été refusée.

S’agissant de l’action en violation du droit de divulgation, les juges ont rappelé que ce droit s’épuisait par son premier exercice, constitué en l’occurrence par la remise du tableau en 1970.

Concernant l’action en violation du droit au respect de l’œuvre, il avait été reproché à l’un des musiciens et à leur société productrice d’avoir reproduit le tableau en trois dimensions sous forme de pliage cartonné, d’avoir également découpé l’image pour en créer un autocollant, ainsi que de l’avoir représentée sur carton au format 33 tours. Les juges d’appel ont, sur ce point, confirmé le jugement, rappelant qu’il appartient à l’ayant-droit de l’auteur d’accepter les modifications d’une œuvre qui en changent l’esprit et qu’en l’espèce, les découpages opérés et la présentation de l’œuvre sous différents formats en dénaturent la portée et portent atteinte à son intégrité.

En application des principes unifiés de prescription, les juges du fond écartent les faits commis avant le 27 novembre 2009.

Sévère à l’égard des demandeurs, cet arrêt illustre l’application traditionnelle de la prescription quinquennale de droit commun pour l’exercice d’un droit immatériel et perpétuel.

Kimberley BENISTI

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