Droit à la déconnexion : Un outil juridique pour limiter l’incursion du numérique dans la sphère privée

Article 55 de la Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels
Article L.2242-8 du Code du travail

Le droit à la déconnexion : une nouvelle obligation à la charge de l’employeur

Selon une étude récente reprise par le Figaro, 37% des actifs utiliseraient chaque jour leurs outils numériques professionnels en dehors du travail. Plus de 12% de la population active serait touchée par le syndrome de l’épuisement professionnel (ou « burn-out »).

Face à ces chiffres, 62% des actifs, dont une très large majorité de cadres, réclameraient une régulation de l’usage des outils numériques en dehors du travail.

Le Législateur a, semble-t-il, entendu l’appel des actifs. En effet, l’un des objectifs affiché de la Loi El Khomri était d’adapter le droit du travail à l’ère du numérique. De cette ambition est né le droit à la déconnexion.

Désormais, l’article L2242-8 du Code du travail énonce dans son 7°:

« La négociation annuelle sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail porte sur :
[…]
7° Les modalités du plein exercice par le salarié de son droit à la déconnexion et la mise en place par l’entreprise de dispositifs de régulation de l’utilisation des outils numériques, en vue d’assurer le respect des temps de repos et de congé ainsi que de la vie personnelle et familiale. A défaut d’accord, l’employeur élabore une charte, après avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel. Cette charte définit ces modalités de l’exercice du droit à la déconnexion et prévoit en outre la mise en œuvre, à destination des salariés et du personnel d’encadrement et de direction, d’actions de formation et de sensibilisation à un usage raisonnable des outils numériques. »

L’objectif du droit à la déconnexion est ainsi de permettre aux salariés de concilier vie personnelle et vie professionnelle, tout en luttant contre les risques de surmenage.

Bien que cette obligation concerne tous les salariés et que la Loi ne fasse pas de distinction entre les différentes catégories conventionnelles des salariés, nul doute que ces nouvelles mesures trouvent particulièrement écho après des Cadres.

Dans sa présente rédaction, le droit à la déconnexion n’est pas défini par le Code du travail. Le législateur fait donc un renvoi express à la négociation collective afin de mettre en place les «dispositifs de régulation de l’utilisation des outils numériques, en vue d’assurer le respect des temps de repos et de congé ainsi que de la vie personnelle et familiale. »

Pour ce faire, le Code du travail donne tout de même une marche à suivre :

Cette négociation devra se faire dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire, lors des discussions sur la qualité de vie au travail. La négociation devra aboutir à la conclusion d’un accord collectif dédié à cette question.

A défaut d’accord, l’employeur doit établir unilatéralement une charte « après avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel. »

Que doit contenir précisément cet accord, ou à défaut cette charte ?

Là encore, la loi reste assez succincte à ce sujet, seule la mise en place de « dispositifs de régulation » étant évoquée.

Toutefois, une clé de méthodologie peut sans doute être trouvée dans les éléments devant être présents dans la Charte, qui encore une fois, n’est qu’une solution alternative à l’accord. Dès lors, l’on peut très bien imaginer que l’accord devrait ainsi a minima « définir des modalités de l’exercice du droit à la déconnexion » et prévoir «des actions de formation et de sensibilisation à un usage raisonnable des outils numériques. »

A noter enfin que l’article 55 de la Loi Travail ne prévoit pas d’obligation d’aboutir à un accord, ni d’ailleurs aucune sanction à défaut d’accord.

Il est en outre possible de s’interroger sur la réelle valeur juridique de la Charte unilatérale, laquelle, si elle ne prévoit pas d’interdictions et de sanctions correspondantes, ne pourra pas être ajoutée au règlement intérieur. Ainsi, à défaut de mesures coercitives, la Charte pourra alors sans être assimilée à une charte « de bonnes pratiques », ayant une valeur informative individuelle renforcée.

En conclusion, le droit à la déconnexion a surtout le mérite d’être désormais codifié, afin de tenter d’assurer le respect des temps de repos et de congés ainsi que l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des salariés.

Bettina SCHMIDT

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