Documentaires et reportages : les nouvelles exigences de la SCAM confirmées

CA Paris, Pôle 5, Ch. 2, 16 février 2018

Fait rare : la SCAM (Société Civile des Auteurs Multimédia) a récemment été assignée par trois journalistes reporters, réalisateurs et chef opérateurs, en vue de l’annulation d’une décision de son conseil d’administration et de la modification d’un article de son règlement général.

Rappelons que cette société de perception et de répartition des droits gère les rémunérations d’auteurs générées par l’exploitation d’œuvres audiovisuelles documentaires et docu-dramatiques. Pour permettre cette répartition, la SCAM demande à ses membres, auteurs, de déclarer par voie de bulletin les œuvres dont ils sont auteurs ainsi que l’identité de leurs co-auteurs éventuels.

Or, la SCAM explique être confrontée à un nombre croissant de déclarations, s’agissant d’œuvres de nature journalistique telles que des reportages. Celles-ci émanent notamment de journalistes ou d’intervenants techniciens (opérateurs de prise de vue, monteurs) se présentant comme co-auteurs et percevant régulièrement une part des droits d’auteur redistribués par la SCAM.

Bien qu’elle n’exclut pas qu’un technicien puisse être co-auteur d’un documentaire ou d’un reportage, lorsqu’il contribue à l’œuvre par un apport créatif personnel et spécifique, la SCAM estime que cette qualité doit être établie au cas par cas. En effet, la systématisation des déclarations a conduit, selon elle, à voir les redevances d’auteur devenir un simple complément de rémunération ou une forme de prime qui est exigée par les techniciens indépendamment de leur apport créatif réel lorsqu’ils négocient leur contrat avec les producteurs.

Sur la base de ces constatations, la SCAM a suspendu, à titre conservatoire, la répartition des droits pour les œuvres où des techniciens apparaissaient en tant que co-déclarant, sans avoir fourni de copie de contrat d’auteur conclu avec les producteurs, prouvant leur qualité d’auteur.

Le conseil d’administration de la SCAM a ensuite décidé, début 2015, qu’il y avait lieu de confirmer, d’une part, l’opportunité d’opérer des contrôles aléatoires fréquents sur toutes les déclarations, et, d’autre part, que tout bulletin devait être accompagné des contrats d’auteur correspondant. Le conseil ajoutait que lorsqu’un déclarant ne peut revendiquer à son profit la présomption de l’article L .113-7 du code de la propriété intellectuelle, il doit communiquer à la SCAM un contrat ou un avenant à son contrat de technicien le désignant expressément comme co-auteur de l’œuvre, et faisant apparaitre clairement son apport créatif spécifique.

Suite à cette décision, la SCAM a modifié le texte de l’article 14 de son règlement général.

C’est alors que trois journalistes reporters, réalisateurs et chef opérateurs ont décidé d’assigner la SCAM, sur plusieurs fondements, pour voir annuler ces décisions. En vain.

La Cour d’appel a en effet confirmé le jugement de première instance, estimant que la nécessité de fournir des documents de nature à étayer la qualité d’auteur du déclarant ne constitue pas une exigence nouvelle imposée par la SCAM à ses associés. En effet, cette obligation était d’ores et déjà visée aux articles 6 et 14 de son règlement général, qui prévoyaient que tout signataire d’un bulletin est tenu, à la demande de la SCAM, de fournir tout document prouvant sa qualité d’auteur.

La Cour rappelle ensuite que les sociétés de gestion collective, qui ont la charge de collecter puis de répartir les droits d’auteur, doivent défendre les droits de leurs adhérents et s’assurer que les redevances sont bien reversées aux réels titulaires des droits.

Enfin, après avoir rappelé qu’il n’appartient ni à la SCAM ni aux auteurs présumés de l’œuvre de juger qui est auteur et qui ne l’est pas, mais à la juridiction compétente saisie en cas de litige, la Cour d’appel décide qu’il entre bien dans l’objet social de la SCAM d’établir les modalités de distribution des droits qu’elle gère.

Ainsi, les déclarants autres que scénaristes ou réalisateurs devront être plus attentifs à la documentation qu’ils fournissent à la SCAM en complément de leur bulletin. Les producteurs d’œuvres relevant du répertoire de la SCAM devront, quant à eux, veiller à bien préciser dans les contrats qu’ils rédigent quel est l’apport créatif des personnes qu’ils engagent et qui peuvent prétendre à la qualité d’auteur.

Camille BURKHART