Détachement de salariés étrangers en France : les nouvelles obligations imposées au donneur d’ordre qui reçoit les salariés détachés

Décret n°2015-364 du 30 mars 2015

Le détachement de salariés permet à un employeur d’envoyer temporairement des salariés à l’étranger pour y exercer une mission. En application de la législation européenne (notamment Réglt 883/2004), les salariés détachés restent soumis à la législation de sécurité de sociale de leur pays d’origine : ainsi, les cotisations afférentes aux salaires sont payées dans le pays d’origine où les salariés sont normalement employés et non pas dans le pays où les salariés sont détachés, à condition que la durée prévisible du détachement n’excède pas 24 mois.


Pour limiter les pratiques abusives en matière de détachement et notamment de « dumping social », la loi du 10 juillet 2014 a renforcé les moyens de contrôle des entreprises étrangères détachant des salariés en France ainsi que la responsabilité du donneur d’ordre, lorsque des infractions à la législation du travail sont commises par l’entreprise sous-traitante ou le prestataire.

Le décret n°2015-364 du 30 mars 2015 met en œuvre ces dispositions, les codifiant aux articles R1262-1 et suivants du Code du travail ou modifiant les dispositions existantes.

Les obligations pèsent d’abord sur l’employeur étranger détachant des salariés en France qui doit notamment :
– préalablement au détachement, procéder à une déclaration de détachement auprès de l’inspecteur du travail,
– désigner un représentant en France,
– ou encore conserver, sur le lieu de la prestation, un certain nombre de documents qui doivent être tenus à la disposition de l’inspecteur du travail.

Le décret précise également les obligations et responsabilités spécifiques pensant sur l’entreprise d’accueil (c’est-à-dire le donneur d’ordre ou le maître d’ouvrage) :

  •  Demander et obtenir la copie de la déclaration de détachement

L’entreprise d’accueil doit vérifier, avant le début de chaque prestation, que l’employeur étranger a effectué la déclaration de détachement et doit s’en faire remettre une copie (art. R1263-12).

Cette déclaration de détachement comporte de nombreuses mentions obligatoires, relatives notamment :
– aux salariés détachés (coordonnées complètes des salariés, date de la signature de leur contrat de travail, qualification professionnelles,                 emploi occupé pendant le détachement, rémunération, modalités de prise en charge des frais de voyages, nourriture, hébergement, etc.),
– à la prestation effectuée (date de début, durée prévisible, nature du matériel ou des procédés de travail dangereux utilisés, l’activité principale         exercée dans le cadre de la prestation, etc.)
– à l’activité principale du donneur d’ordre.

Lorsque le détachement est effectué au sein du même groupe, la déclaration de détachement doit comporter les liens de l’employeur avec l’entreprise d’accueil (art R1263-4).

La déclaration de détachement doit être annexée au registre unique du personnel de l’entreprise d’accueil (art L1221-15-1), et elle doit être accessible aux délégués du personnel ainsi qu’aux agents de contrôle. Par ailleurs, le nombre de salariés détachés doit figurer dans le bilan social (art. R2323-17).

Le donneur d’ordre doit également se faire remettre la copie de le la désignation du représentant de l’employeur étranger en France, chargé de la liaison avec l’inspecteur du travail, la police, l’administration fiscale, etc.

Si le donneur d’ordre n’est pas en possession de ces documents, il est passible d’une amende prononcée par la Direccte de 2.000 euros par salarié détaché, l’amende ne pouvant excéder 10.000 euros.

  •  Le devoir de vigilance du donneur d’ordre : obligation d’injonction en matière du respect de la législation du travail et responsabilités accrue du donneur d’ordre

– La responsabilité du donneur d’ordre peut être mise en jeu en cas de non-paiement total ou partiel du salaire minimum légal ou conventionnel aux salariés détachés : le donneur d’ordre, informé par l’inspection du travail de ce non-paiement, doit aussitôt enjoindre l’employeur de faire cesser la situation.

A compter de la réception de l’injonction, l’employeur étranger a un délai de 7 jours pour faire savoir au donneur d’ordre les mesures prises, ce dernier devant transmettre ce courrier à l’inspecteur du travail ou l’informer de l’absence de réponse (art. R 3245-1 trav).

Si le donneur d’ordre n’a pas enjoint l’employeur étranger ou n’a pas signalé à l’Inspecteur du travail l’absence de réponse de l’employeur, il est alors tenu solidairement du paiement des rémunérations et indemnités dues aux salariés et des cotisations sociales afférentes (art R3245-2 trav.)

– Par ailleurs, lorsque le donneur d’ordre est informé par l’Inspecteur qu’un sous-traitant direct ou indirect a enfreint la législation du travail en matière de liberté individuelle et relations collectives, de discrimination, durée du travail, salaire minimum etc., il doit, dans les 24 h, faire injonction de faire cesser la situation.

A réception de l’injonction, le sous-traitant informe dans un délai de 15 jours le donneur d’ordre des mesures prises pour faire cesser la situation, lequel doit transmettre la réponse à l’agent de contrôle auteur du signalement.

Le donneur d’ordre ou maitre d’ouvrage qui n’a pas enjoint l’employeur étranger de faire cesser la situation ou qui n’a pas informé l’agent de contrôle de l’absence de réponse, est passible d’une amende prévue pour les contraventions de 5ème classe, soit 1.500€ pour une personne physique et 7.500 € pour une personne morale (art. R 8281-1, R 8282-1 trav.)

Enfin, les organisations syndicales peuvent, sous certaines conditions, exercer une action en justice en cas d’infraction pour travail dissimulé pour la défense des salariés détachés.

Ces nouvelles dispositions s’appliquent à compter du 1er avril 2015.

Muriel de LAMBERTERIE

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