Déplacement entre le domicile et les différents lieux de travail des salariés itinérants – confirmation de la possible intégration dans le temps de travail effectif

La chambre sociale de la Cour de cassation réaffirme sa récente position en matière de temps de trajet des salariés itinérants dans un nouvel arrêt publié (Cass. soc., 1er mars 2023, 20-21924). Pour mémoire, depuis son récent revirement (Cass. soc., 23 nov. 2022, 20-21924), la haute juridiction considère désormais que le temps de trajet d’un salarié itinérant entre son domicile et son premier lieu de travail ou entre son dernier lieu de travail et son domicile, peut constituer du temps de travail effectif générant notamment des heures supplémentaires majorées (voir notre précédent flash ici).

La décision du 1er mars dernier permet de dégager de nouveaux points de vigilance pour les employeurs dans la gestion des temps de déplacements professionnels des salariés n’ayant pas de lieu habituel de travail. En premier lieu, elle rappelle le principe : « lorsque les temps de déplacements accomplis par un salarié itinérant entre son domicile et les sites des premier et dernier clients répondent à la définition du temps de travail effectif telle qu’elle est fixée par l’article L. 3121-1 du code du travail, ces temps ne relèvent pas du champ d’application de l’article L. 3121-4 du même code » (Cass. soc., 1er mars 2023, 20-21924, § 9). Il est donc désormais acquis que les dispositions de l’article L3121-4 du code du travail prévoyant que les temps de trajets domicile/lieu de travail ne constituent pas du temps de travail effectif, peuvent être écartées lorsque le salarié est itinérant.

Pour appliquer la qualification de temps de travail effectif à ces déplacements, dans son nouvel arrêt, la Cour de cassation retient (i) le défaut d’autonomie du salarié durant ses trajets au regard d’un planning prévisionnel des rendez-vous clients fixés avec son employeur, (ii) l’usage à cette occasion par le salarié d’un véhicule de service et (iii) le fait que le salarié était amené à transporter, lors de ses déplacements, des pièces détachées commandées par les clients.

Dès lors, ces temps de trajet pouvaient être invoqués au soutien d’une demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires faute pour la cour d’appel d’avoir statué par des motifs suffisant à établir que « le salarié ne se tenait pas à la disposition de l’employeur » (Cass. soc., 1er mars 2023, 20-21924, § 13).

La Cour de cassation privilégie donc une appréciation in concreto en déterminant la réalité des contraintes auxquelles sont soumis les salariés itinérants durant leur temps de trajet entre leur domicile et leurs clients afin de caractériser le régime juridique qui leur est applicable. Si la charge de la preuve semble toujours peser sur le salarié, il n’en demeure pas moins que la haute juridiction impose aux juges du fond de procéder sérieusement à cette appréciation sans pouvoir trop facilement écarter la demande du salarié qui avance un faisceau d’indices tendant à démontrer qu’il se tient à la disposition de son employeur sans pouvoir vaquer à ses occupations personnelles durant les trajets litigieux.

Pour rappel, dans l’arrêt du 23 novembre 2022 à l’origine du revirement de jurisprudence, la Cour de cassation avait notamment retenu l’usage par le salarié itinérant de son téléphone professionnel durant ses trajets professionnels pour répondre aux clients, comme critère de caractérisation du temps de travail effectif (Cass. soc., 23 nov. 2022, 20-21924).

Les entreprises concernées devront donc s’attacher particulièrement à déterminer, au cas par cas, le poste, les tâches, l’autonomie, les moyens et les contraintes professionnelles de leurs salariés itinérants lors de leur temps de trajet professionnel pour garantir la juste qualification de ces temps de trajet entre le domicile du salarié et ses clients. Lorsque cela est possible, le recours au forfait en jours annualisé devra être privilégié pour les salariés itinérants.

Marianne Noël