Définition plus précise du motif économique

Article 67 de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels

La jurisprudence de la Cour de cassation est reprise par la loi El Khomri dans l’article L1233-3 du code du travail relatif à la définition du motif économique. Certains critères de caractérisation des difficultés économiques sont précisés et devront être évalués en fonction de l’effectif de l’entreprise même si le niveau d’appréciation du motif économique restera celui du secteur d’activité du groupe.

A compter du 1er décembre 2016 (art. 67 II. de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016), la définition du licenciement pour motif économique évoluera significativement.

La loi El Khomri a choisi de légaliser plusieurs principes dégagés par la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation et d’encadrer précisément certains motifs justifiant la rupture d’un contrat de travail pour raison économique.

Le licenciement économique est toujours constitué de trois critères cumulatifs (art. L1233-3 c. trav.). Il résulte (i) d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail (ii) consécutives à un motif économique (iii) par définition non-inhérent à la personne du salarié.

Constituent notamment un motif économique :

– la cessation d’activité de l’entreprise ;
– une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;
– des mutations technologiques et
– des difficultés économiques.

Bien que le nombre de motifs économiques légaux ait augmenté, l’adverbe « notamment » a été conservé. Il sera donc toujours loisible aux plaideurs d’imaginer et à la jurisprudence de valider, de nouveaux motifs.

Le législateur a encore innové s’agissant de la caractérisation des difficultés économiques pour laquelle il mentionne une liste non-exhaustive (le texte précise « tel ») d’indicateurs :

– une baisse (i) des commandes ou (ii) du chiffre d’affaires,
– des pertes (iii) d’exploitation ou encore
– une dégradation (iv) de la trésorerie ou (v) de l’excédent brut d’exploitation.

Il suffit qu’un seul de ces indicateurs évolue significativement pour que les difficultés économiques soient caractérisées. L’article L1233-3 du code du travail ajoute que constitue également des difficultés économiques « tout autre élément de nature à justifier ces difficultés ». Les juridictions pourront donc approuver ou non les employeurs qui caractériseront des difficultés économiques à travers des indicateurs économiques non listés par la loi.

Mais le plus original est que la loi El Khomri a précisément défini ce qu’est une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaire. Cette dernière est constituée « dès lors » que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égales à (i) 1 trimestre pour une entreprise de moins de 11 salariés, (ii) 2 trimestres consécutifs pour une entreprise dont l’effectif est situé entre 11 et 49 salariés, (iii) 3 trimestres consécutifs pour une entreprise dont l’effectif est situé entre 50 et 299 salariés et (iv) 4 trimestres consécutifs pour une entreprise de 300 salariés et plus.

Il convient de bien noter que la comparaison s’effectue « avec la même période de l’année précédente ». Ainsi, une entreprise de 40 salariés – si elle veut pouvoir arguer d’une baisse significative de son chiffre d’affaires et donc invoquer des difficultés économiques qui pourront justifier une procédure de licenciement économique – devra démontrer, par exemple, que le chiffre d’affaires de juillet à décembre (2 trimestres) de l’année N est en baisse par rapport aux mois de juillet à décembre de l’année N-1 et non avec les mois de janvier à juin de l’année N.

Reste la question du périmètre d’appréciation du motif économique. Le gouvernement a voulu le limiter au niveau national mais la disposition n’a finalement pas été votée par le parlement. Myriam El Khomri a d’ailleurs déclaré devant le Sénat le 23 juin 2016 : « le gouvernement est revenu au périmètre actuel – le périmètre mondial, et non plus le périmètre national – pour l’appréciation de la situation économique de l’entreprise ».

Le niveau du périmètre ne semble donc pas contestable ; il convient d’apprécier le motif économique au niveau du secteur d’activité du groupe. Toutefois, la lecture du texte laisse entrevoir des difficultés à venir. En effet, la baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires s’apprécie, ainsi qu’indiqué plus haut, durant une certaine période qui dépend de l’effectif de l’ « entreprise » et non du groupe. En conséquence, par exemple, sauf interprétation contraire de la jurisprudence à venir (qui semblerait néanmoins contra legem), une entreprise de moins de 11 salariés appartenant à un groupe mondial devra démontrer la baisse des commandes ou du chiffre d’affaires de tout le groupe dans le même secteur d’activité mais sur 1 seul trimestre.

Enfin, si le motif économique s’apprécie au niveau du groupe, la matérialité de la suspension, de la transformation d’emploi ou de la modification d’un élément essentiel du contrat de travail s’apprécie au niveau de l’entreprise. Ce qui est une reprise de la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation.

Romain PIETRI

Téléchargez cet article au format.pdf