De nouvelles précisions sur la copie privée

CJUE, 27 juin 2013 (C-457/11, 458/11,459/11 et 3460/11) et CJUE, 11 juillet 2013 (C-521/11)

Par deux décisions rendues au début de l’été, la Cour de Justice précise le régime applicable à la compensation due en contrepartie des exceptions au droit d’autoriser des ayants droit.

La seconde décision, rendue dans une instance opposant la filiale allemande du groupe Amazon à la société de gestion collective autrichienne, était très attendue car la question posée tenait à la possibilité pour un droit national de prévoir qu’une quote-part de la compensation soit affectée à des objectifs sociaux et culturels. La loi française dispose en effet que 25% de la compensation perçue sont affectés par les sociétés civiles à de telles actions. L’on pouvait penser que, dans la lignée de l’arrêt Padawan, la Cour affirmerait que le caractère indemnitaire de la compensation imposait qu’elle soit reversée aux ayants droit.

La réponse apportée par la CJUE est sans ambigüité puisque celle ci juge que rien ne s’oppose à ce que la moitié des recettes perçues au titre de la compensation ne soit pas directement versée aux ayants droit mais qu’elle soit instituée au bénéfice d’établissements chargés de mettre en œuvre des actions sociales et culturelles. La cour précise toutefois que ce dispositif suppose que ces actions « bénéficient effectivement auxdits ayants droit et que les modalités de fonctionnement desdits établissements ne soient pas discriminatoires ».

La Cour confirme par ailleurs que la Directive ne s’oppose pas à ce que la rémunération soit perçue sur tous les supports mis sur le marché, en application d’une présomption irréfragable d’usage privé, même si une redevance équivalente a déjà été payée dans un autre pays membre. Il appartient alors, soit à l’acquéreur qui ne destine pas les supports à l’usage privé, soit à l’importateur, de demander le remboursement de la redevance payée.

Compte tenu de l’historique, l’on peut prévoir que cet arrêt ne mette pas fin aux contentieux et que les conditions posées par la Cour de justice, dont l’arrêt précise qu’il appartient à la juridiction nationale de vérifier qu’elles sont respectées, soient le fondement de nouveaux recours.

La décision rendue le 27 juin 2013 était moins attendue, notamment car elle porte sur la compensation due, en Allemagne, au titre de la reproduction sur papier ou sur support similaire, au moyen de toute technique photographique ou de tout autre procédé ayant des effets similaires. La décision comporte toutefois plusieurs motifs qui retiennent l’attention dans le contexte de la réflexion qui suit le dépôt du rapport Lescure.

Ainsi la Cour rappelle que :

-Le droit exclusif peut, selon les circonstances, être exclu ou limité. Lorsque ce droit est limité, il convient d’apprécier l’atteinte portée au droit d’autoriser pour déterminer si une compensation équitable est due et quel doit être son montant. Ainsi, lorsque le législateur a introduit l’exception de copie privée, les actes de reproduction donnent lieu au paiement de la compensation, même si les ayants droit ont autorisé la reproduction, cet acte n’ayant aucun impact sur le préjudice causé aux ayants droit ;

-Les mesures techniques, qui sont de nature à assurer la réalisation de l’objectif poursuivi par l’exception de copie privée et à empêcher ou limiter les copies non autorisées doivent être encouragées. Le niveau concret de la rémunération équitable peut prendre en compte ces mesures techniques

-La condition de reproduction sur un support papier exclut que l’exception (et la rémunération) soit appliquée à la reproduction numérique mais pas que soient pris en compte les procédés de reproduction mettant en œuvre plusieurs appareils, y compris ceux ayant une finalité numérique.

En application de ces principes, la Cour retient que la reproduction par l’intermédiaire d’un ordinateur personnel et d’une imprimante peut constituer une copie privée qui doit donner lieu au paiement d’une rémunération équitable.

A défaut de perception de cette rémunération auprès de l’utilisateur, ce qui se heurte à des difficultés évidentes, ou auprès du tiers qui réalise cette copie, ce que la Cour semble privilégier, le droit national peut soumettre le paiement de cette compensation au vendeur de l’ordinateur et ou de l’imprimante.

Il ne fait pas de doute que ces décisions récentes seront examinées avec attention lorsqu’il s’agira de déterminer le statut de copies non marchandes ou la prise en compte des copies réalisées par le cloud pour déterminer le niveau de la compensation.

Eric LAUVAUX

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