De la qualification du contrat d’option en matière de production audiovisuelle

TGI Paris, 3ème Ch., 3ème sect., 16 janvier 2015

Un réalisateur était lié par un contrat à un producteur de films pour lui proposer en exclusivité ses trois prochains films contre rémunération. Ce contrat prévoyait que le producteur disposait d’un délai de 90 jours à compter de la remise d’un synopsis pour faire connaitre sa décision de développer ou non le projet. En cas de refus de produire le projet de film, le cinéaste retrouvait sa liberté de le proposer à tous producteurs de son choix mais s’engageait à rembourser les frais exposés liés à l’écriture du scénario définitif refusé ainsi que le tiers de la somme versée à titre de rémunération. Après la sortie d’un premier film, les relations entre le réalisateur et son producteur se sont dégradées. Le producteur a assigné le réalisateur pour obtenir la résolution du contrat en raison d’inexécutions contractuelles et le remboursement des sommes perçues à titre d’avance. Le réalisateur a opposé divers griefs dont la nullité du contrat, sollicité la réparation de préjudices matériel, d’image et moral et, parallèlement, assigné en intervention forcée son agent, en résolution du contrat et faute contractuelle ouvrant droit, selon lui, à réparation.

L’examen du litige conduit le Tribunal à qualifier puis analyser la validité du contrat initial.

Au premier chef, le Tribunal énonce que le contrat d’espèce opère un transfert de propriété ou de droit exclusif sur l’œuvre, en l’absence de définition légale au regard des parties et de l’objet du contrat, à savoir la production d’une œuvre audiovisuelle. Il est donc soumis au droit commun des contrats sous réserve des dispositions spécifiques du Code de la propriété intellectuelle et aux règles communes à tous les droits d’auteur, dont l’interdiction de cession globale des œuvres futures. Le contrat institue ainsi un partenariat entre le producteur et le cinéaste, accordant au premier un droit de préemption sur les projets de réalisation du cinéaste et permettant au second de bénéficier d’une rémunération versée d’avance. Il ne constitue pas, contrairement aux arguments soutenus par le réalisateur, un contrat de production audiovisuelle. En effet, il ne porte pas sur un projet définitif et n’opère pas non plus transfert au profit du producteur des droits de l’auteur, la cession des droits étant renvoyée à une ou plusieurs conventions devant être arrêtée ultérieurement d’un commun accord. Ce contrat est donc un simple contrat d’option ou de priorité. S’agissant d’un contrat préliminaire, il n’est pas un contrat de production audiovisuelle au sens strict et ne le deviendra que lorsque l’option est levée. Cette analyse exclut de dire du contrat qu’il comporterait la cession d’œuvres futures, lesquelles ne sont, à ce moment, que des projets en germe. Le contrat ne peut donc être interprété comme instituant un pacte de préférence et être soumis aux dispositions de l’article L132-4 du CPI qui régissent le pacte.

A partir de son postulat excluant la qualification du contrat de pacte de préférence, sa clause instituant, au bénéfice du producteur, la possibilité de refuser par trois fois les projets du réalisateur, à défaut de quoi interviendrait la résiliation du contrat, n’est pas contraire aux dispositions d’ordre public et notamment à celles de l’article L.132-4 du CPI.

Le dernier grief du réalisateur visait à soutenir d’une part que le contrat instituait une clause de non concurrence et portait atteinte à la liberté de travailler – et de créer- en raison de l’interdiction faite au cinéaste de proposer à toute société tierce un projet de film cinématographique et de conclure tout accord de partenariat similaire ou identique avec des sociétés tierces. Le réalisateur ajoutait d’autre part que cette double interdiction portait une atteinte excessive à sa liberté de travailler et de créer augmentée par l’inconsistance de la contrepartie financière, de plus remboursable- mais en partie-, si le cinéaste envisageait de réaliser un projet avec un tiers. Il invoquait ces interdictions comme étant contraires aux dispositions de l’article L.132-4 du CPI et à celles de l’article L.1121-1 du Code du travail. Le Tribunal relève que ces dernières dispositions ne sont pas applicables en l’absence de lien de subordination salariée entre le producteur et le réalisateur. Il note, en outre, que l’interprétation faite par le cinéaste est erronée : le réalisateur se trouve, après proposition faite au producteur et refus de ce dernier, dans la possibilité de soumettre à tout tiers son projet, et donc ainsi exercer son art.

L’ensemble des moyens soulevés par le réalisateur étant rejeté, le Tribunal examine les arguments du producteur relatifs aux manquements du réalisateur dans l’exécution du contrat.

Le Tribunal relève que des idées de film ont été évoquées mais que le réalisateur ne justifie pas de la remise, par lui-même, au producteur d’un synopsis, conforme aux usages de la profession et aux stipulations contractuelles. Dès lors, le réalisateur ne pouvait se trouver libéré des liens du contrat et ne pouvait, dès lors, proposer à un tiers, sans l’évoquer préalablement avec le producteur, de nouveaux projets de films. La résolution du contrat est prononcée au vu de ces manquements graves, entraînant la restitution, par le cinéaste, des sommes perçues à titre d’avance sur ses droits d’auteur.

A titre de demande reconventionnelle, le réalisateur sollicitait la condamnation en réparation du préjudice matériel, artistique et professionnel subi du fait d’un comportement déloyal et dolosif ainsi qu’au titre d’un préjudice d’image et d’un préjudice moral. Le cinéaste soutenait que des pressions, harcèlement de toutes natures l’avaient empêché de travailler pendant trois ans. Mais, dès lors qu’il avait nourri, sur la même période, plusieurs projets avec des sociétés tierces, sans que l’absence d’aboutissement de ceux-ci ne puissent être liés aux agissements de son producteur, le Tribunal rejette les demandes d’indemnisation dans leur principe, soulignant en outre, que le cinéaste avait de lui-même fait le choix de rendre public le différend l’opposant à son producteur en adressant un courrier au Ministre de la Culture, en charge, à l’époque des faits.

Les demandes du réalisateur à l’encontre de l’agent sont, également, rejetées, à défaut de preuve des manquements aux obligations d’information et de conseils et à la soi-disant adoption d’une neutralité « ambigüe » de l’agent d’être prouvés, la résiliation unilatérale du contrat à durée indéterminée entre le cinéaste et son agent pouvant intervenir à tout moment et être motivée par la « simple » perte de confiance mutuelle, sans revêtir de caractère fautif ou brutal.

Armelle FOURLON

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