Conséquences de la requalification d’un licenciement pour faute grave en licenciement sans faute sur le versement d’un capital décès aux ayants droit du salarié décédé

Cass. soc. 15 avril 2015, n°13-22044

Un salarié est décédé quelques jours seulement après avoir été licencié pour faute grave. L’organisme de prévoyance applicable dans l’entreprise a refusé de verser aux ayants droit le capital décès au motif qu’il n’était plus salarié de l’entreprise au moment du décès.


Les ayants droit ont saisi la juridiction prud’homale pour contester le licenciement et demander notamment des dommages et intérêts à la suite du refus de l’assureur de verser le capital décès. Selon les ayants droits, si un préavis avait été octroyé, le décès serait survenu pendant la période de préavis : la victime étant salarié de l’entreprise, son décès aurait été pris en charge par l’organisme de prévoyance.

Les ayants droit ont obtenu gain de cause devant la Cour d’Appel qui a considéré que le comportement du salarié justifiait certes son licenciement, mais qu’il ne reposait pas sur une faute grave. En conséquence, le fait pour l’employeur d’avoir initié une procédure de licenciement pour faute grave privative de préavis a eu pour effet de sortir le salarié des effectifs de l’entreprise et de priver ainsi ses ayants droit du capital décès qu’ils auraient perçu dans le cas contraire. La Cour d’Appel a donc condamné l’employeur à verser aux ayant droits l’équivalent du capital décès, soit plus de 150.000 euros.

Par arrêt du 15 avril 2015, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par l’employeur considérant que « l’employeur qui avait souscrit une assurance décès au bénéfice des ayants droit de ses salariés présents dans les effectifs de l’entreprise au moment de leur décès, avait licencié pour faute grave le salarié, décédé 12 jours plus tard ; la faute grave n’ayant pas été caractérisée de sorte que le salarié avait été privé du bénéfice du préavis et ainsi d’être présent dans les effectifs de l’entreprise à la date de son décès » : la Cour d’Appel a donc exactement déduit que l’employeur devait réparer le préjudice subi.

Cette solution est à rapprocher du dispositif du maintien des couvertures de santé et de prévoyance (« la portabilité »), prévu d’abord par l’ANI du 11 janvier 2008, puis par la loi du 14 juin 2013 (codifiée à l’art. L. 911-8 du Code de la sécurité sociale).

L’employeur doit assurer, au bénéfice de ses anciens salariés dont le contrat de travail est rompu pour un motif autre que la faute lourde et qui sont indemnités par Pôle Emploi, le maintien à titre gratuit et pendant une certaine période des couvertures santé et prévoyance dont ils bénéficiaient au sein de l’entreprise, au même niveau de garantie.

Ce dispositif du maintien « gratuit » est déjà en place depuis le 1er juin 2014 pour les risques portant sur l’intégrité physique de la personne ou liés à la maternité (« frais de santé »). Il entre en vigueur le 1er juin 2015 pour la prévoyance (garanties liées aux risques décès, incapacité, invalidité). Jusqu’à présent, la portabilité devait être proposée aux salariés licenciés, mais elle n’était pas gratuite.

Pour bénéficier de ce maintien, le salarié doit toutefois être pris en charge par l’assurance chômage. Toutefois, afin d’éviter toute rupture de prise en charge, le dispositif s’applique à compter de la date de cessation du contrat de travail et non pas de la date de versement des allocations chômage.

Les garanties sont maintenues pendant une durée égale à la période d’indemnisation du chômage, dans la limite de la durée du dernier contrat de travail, sans pouvoir excéder 12 mois. Le maintien de la couverture cesse, à l’expiration de la période de maintien des droits ou en cas de reprise d’un nouvel emploi donnant lieu à l’interruption du versement des allocations de chômage.

L’employeur a l’obligation :

– d’informer les salariés qui quittent l’entreprise de ce maintien des droits : l’information est faite sur le certificat de travail remis au salarié lors du départ de l’entreprise (art L911-8, 6° du CSS),
– de remettre au salarié une notice d’information mentionnant les conditions d’application de la portabilité (obligation qui était prévue par l’ANI du 11 janvier 2008 et qui par prudence devrait continuer à s’appliquer faute de précision dans la loi de 2013),
– d’informer l’organisme assureur de la cessation du contrat de travail.

De son côté, le salarié doit justifier auprès de l’organisme assureur qu’il est bien pris en charge par le régime d’assurance chômage.

Le dispositif de la portabilité limite, sans pouvoir pour autant l’empêcher, une solution équivalente à celle rendue par la Cour de cassation dans la décision commentée ci-dessus : ainsi, un salarié licencié pour faute grave – sans préavis – décède juste après son licenciement, pendant la période qui aurait correspondu au préavis si un tel préavis avait été accordé. S’il ne peut plus continuer à bénéficier de la portabilité (par exemple, parce qu’il a déjà retrouvé un emploi), l’organisme de prévoyance pourrait alors refuser d’indemniser l’ancien salarié. L’on ne peut alors écarter que ses ayants droit se retournent contre l’ancien employeur pour contester la faute grave et l’absence de versement du capital décès.

Muriel de LAMBERTERIE

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