Confirmation en appel de la condamnation des lessiviers

Quelques mois après la décision de la Commission européenne du 13 avril 2011 ayant condamné Unilever, Procter & Gamble et Henkel à une amende totale de 315,20 millions d’euros pour s’être entendues sur des augmentations indirectes du prix des lessives en poudre standard (voir la Lettre Economique n°119), l’Autorité de la concurrence (« l’Adlc ») avait rendu, le 8 décembre 2011, une décision n°11-D-17 portant également sur des pratiques d’entente dans le secteur des lessives.

L’Adlc avait notamment reproché à Unilever, Henkel, Procter & Gamble et Colgate Palmolive de s’être concertées de 1997 à 2004 pour fixer en commun les écarts et les hausses de prix des lessives standard pratiqués à l’égard de la grande distribution ainsi que leur politique promotionnelle.

Aux termes de cette décision, l’Adlc avait condamné Henkel à 92,31 millions d’euros d’amende, Procter & Gamble à 240,24 millions d’euros d’amende et Colgate Palmolive à 35,40 millions d’euros d’amende. Unilever – qui avait sollicité en premier le bénéfice de la procédure de clémence – avait, quant à elle, bénéficié d’une exonération totale de sanction.

Par un arrêt du 30 janvier 2014, la Cour d’appel de Paris, saisie d’un recours introduit par Henkel, Colgate Palmolive et Procter & Gamble, a confirmé en tout point la décision de l’Adlc.

Dans le cadre de ce recours, les demanderesses soutenaient que la décision de l’Adlc avait porté atteinte au principe « non bis in idem » qui, en matière de concurrence, est soumis « à une triple condition d’identité des faits, d’unité de contrevenant et d’unité de l’intérêt juridique protégé [et qui] interdit donc de sanctionner une même personne plus d’une fois pour un même comportement illicite afin de protéger le même bien juridique ». En effet, pour les parties, les ententes mises en œuvre au niveau européen et au niveau français auraient dû être qualifiées d’infraction unique, complexe et continue de dimension européenne que l’Adlc ne pouvait sanctionner dès lors que la Commission européenne était elle-même déjà entrée en voie de condamnation.

La Cour d’appel rejette cependant ces arguments. Elle a ainsi rappelé que le rapporteur général de l’Adlc avait pris soin de consulter la Commission européenne sur le caractère distinct ou non des affaires traitées simultanément par les deux autorités. Elle a, en outre, estimé que l’Adlc avait suffisamment motivé le caractère distinct des pratiques sanctionnées au niveau communautaire, d’une part, et au niveau français, d’autre part, et a ainsi conclu que les trois conditions visées ci-dessous auxquelles le principe « non bis in idem » est soumis n’étaient pas réunies.

Procter & Gamble et Colgate Palmolive reprochaient également à l’Adlc d’avoir appliqué, aux fins de calcul de la sanction qui leur a été infligée, son communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination du montant des sanctions pécuniaires, à des faits antérieurs à sa publication alors même que l’application de ce communiqué « [avait] eu pour effet de provoquer une importante et par surcroît non raisonnablement prévisible augmentation du niveau des sanctions qui aurait résulté de la pratique décisionnelle antérieure de l’Autorité de la concurrence ». Pour ces entreprises, ce faisant l’Adlc avait violé le principe de non rétroactivité de la loi répressive plus sévère ainsi que celui de confiance légitime. La Cour d’appel balaie d’un revers ces arguments en rappelant que le communiqué de l’Adlc « se born[ait] à décrire et à expliciter, à droit constant, la méthode suivie en pratique par l’Autorité pour mettre en œuvre, au cas par cas, en se conformant à l’exigence de proportionnalité et d’individualisation des sanctions, dans l’ordre prévu par le code de commerce, les critères fixés par ce code ».
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