Confirmation du gun jumping d’Altice par le Tribunal de l’UE : l’occasion de rappeler la conduite à adopter lors d’une opération M&A

Le 22 septembre 2021, le Tribunal de l’UE (TUE) est venu confirmer la décision par laquelle la Commission européenne avait sanctionné Altice à hauteur de 124,5 millions d’euros pour avoir réalisé  l’acquisition de l’opérateur de télécommunication PT Portugal avant la notification de l’opération à la Commission et avant d’obtenir l’autorisation de celle-ci.

En effet, Altice avait conclu avec l’opérateur de télécommunications brésilien Oi SA un contrat d’acquisition d’actions (SPA) au moyen duquel Altice prendrait, par l’intermédiaire de sa filiale Altice Portugal SA, le contrôle exclusif de PT Portugal

Postérieurement à la notification de l’opération à la Commission, celle-ci a adressé à Altice plusieurs demandes de renseignements concernant les échanges qu’elle avait eus avec PT Portugal, à l’occasion d’une rencontre entre leurs dirigeants respectifs, dont la Commission avait appris l’existence par la presse.

Il est ressorti que, comme le rappelle le TUE dans sa décision de septembre dernier :

  • certaines clauses du SPA qui donnent à Altice un droit de veto sur les décisions concernant la politique commerciale de PT Portugal et la conduite concrète des parties qui impliquant Altice dans le fonctionnement quotidien de PT Portugal constituent la mise en œuvre du SPA avant que la Commission ait déclaré la concentration compatible avec le marché intérieur, et
  • les échanges d’informations qui ont eu lieu entre les parties avant le closing contribuent à démontrer qu’Altice avait exercé une influence déterminante sur certains aspects de l’activité de PT Portugal avant l’adoption de la décision d’autorisation par la Commission.

Plus précisément, concernant le SPA, les clauses visant à protéger la valeur de la cible entre le signing et le closing, qui déterminent le comportement de la cible, ne peuvent être raisonnablement justifiées que si elles ont strictement limitées à ce qui est nécessaire pour la réalisation de l’objectif précité.

Or, en l’espèce, selon le TUE :

  • le fait d’avoir un droit de veto sur la nomination, le licenciement ou les modifications des termes des contrats de tout directeur ou administrateur paraît aller au?delà de ce qui était nécessaire pour préserver la valeur de la cible et donne la possibilité à l’acquéreur de codéterminer la structure de la direction de PT Portugal,
  • la stipulation du SPA relatif à la politique tarifaire est très large, obligeant PT Portugal à obtenir d’Altice un consentement écrit sur un vaste champ de décisions relatives aux prix et aux contrats avec les clients,
  • les clauses du SPA donnant la possibilité à Altice de prendre part, de mettre fin ou de modifier certains types de contrats que PT Portugal pourrait conclure avant le closing, compte tenu des matières commerciales couvertes par ces clauses et du niveau peu élevé des seuils monétaires applicables à certaines de ces dispositions, vont au-delà de ce qui est nécessaire pour empêcher que des modifications substantielles soient apportées à l’activité de PT Portugal et, partant, pour préserver la valeur de l’investissement d’Altice.

S’agissant, en second lieu, des cas d’échanges d’informations entre Altice et PT Portugal, la décision indique que :

  • Lors de différentes réunions visant à coordonner les décisions importantes qui nécessitent le consentement d’Altice, PT Portugal a fourni des informations détaillées et précises sur des questions telles que ses initiatives clés en ce qui concernait sa stratégie et ses objectifs commerciaux, ses stratégies en matière de coûts, ses relations avec les principaux fournisseurs, des données financières récentes sur ses recettes, sa marge commerciale, ses dépenses en capital et sa planification budgétaire, des informations clés sur les performances, ses plans d’expansion du réseau et des informations détaillées sur l’activité de gros de PT Portugal, et
  • dans le cadre d’échanges bilatéraux, PT Portugal a également fait un reporting hebdomadaire sur les indicateurs clés de performance.

Ainsi, selon la Commission, Altice a obtenu des informations auxquelles elle n’aurait pas dû avoir accès, ces informations n’étant par ailleurs pas justifiées par le souci de maintenir la valeur de l’entreprise cible.