Atteinte aux droits de marque par le licencié

CA Paris, Pôle 5 Ch. 1, 5 juin 2013

Voici une nouvelle décision relative aux conditions dans lesquelles le titulaire d’une marque peut invoquer à l’encontre de son licencié, des faits de contrefaçon.

Dans cette affaire, la cour d’appel fait une stricte application de la jurisprudence communautaire rendue le 23 avril 2009 (CJCE, C-59/08 – Copad SA, Cf. Netcom juillet 2009).

Pour mémoire, l’article 22§2 du Règlement UE du 26 février 2009 sur la marque communautaire (article L. 714-1 du Code de la propriété intellectuelle) prévoit les cas dans lesquels un titulaire de marque peut opposer ses droits à l’encontre de son licencié.

Dans l’arrêt précité, la CJUE est venue préciser que la mise dans le commerce par le licencié d’un produit revêtu de la marque, en méconnaissance d’une clause du contrat de licence, est réputée faite sans le consentement du titulaire de la marque, lorsqu’il est établi que cette clause correspond à celles limitativement énumérées à l’article 22 §2 du Règlement CE. Ces clauses sont les suivantes : celles relatives à la durée, la forme couverte par l’enregistrement, la nature des produits ou des services pour lesquels la licence est octroyée, le territoire ou la qualité des produits fabriqués ou des services fournis.

Le titulaire est également admis à invoquer ses droits à l’encontre d’un licencié lorsque ce dernier a méconnu une clause du contrat de licence interdisant, pour des raisons de prestige de la marque, la vente à des soldeurs pour autant qu’il soit établi que la violation porte atteinte à l’allure et à l’image de prestige qui confèrent auxdits produits une image de luxe.

Enfin, le titulaire de la marque peut toujours invoquer un motif légitime (tel que la renommée de sa marque ou l’altération des produits revêtus de la marque) pour s’opposer à tout épuisement des droits sur la marque et ainsi interdire une nouvelle commercialisation.

En l’espèce, la société Thierry Mügler contestait la commercialisation, dans le cadre d’une opération promotionnelle, de cartables, portefeuilles, parures de stylos et stations météorologiques, sous la marque Thierry Mügler, par la société allemande BP Europa SE exploitant en Allemagne un réseau de stations-service, autorisée par le licencié de la société Thierry Mügler. Cette dernière a alors assigné en contrefaçon son licencié allemand ainsi que sa filiale française et la société allemande BP Europa SE.

Les défendeurs faisaient valoir que les produits avaient été licitement mis sur le marché, avec le consentement du titulaire et que seule la violation des clauses limitativement énumérées pouvait faire échec à l’autorisation initialement consentie ; or cette condition n’était pas remplie selon eux.

La société Thierry Mügler, pour contester tout épuisement du droit sur les marques invoquait divers fondements, dont le dol, la violation par son licencié des dispositions contractuelles relatives à la nature des produits et la durée du contrat de licence, l’existence de motifs légitimes en raison de l’atteinte portée à la sensation de luxe attachée à la marque. Le titulaire des marques invoquait également à l’encontre de son licencié une responsabilité contractuelle résultant de la violation de l’obligation générale de bonne foi et de loyauté dans les affaires ainsi que la responsabilité délictuelle de sa filiale, en tant que complice des manœuvres de sa société mère. Enfin, à titre subsidiaire, la société Thierry Mügler soutenait également pouvoir engager une action en responsabilité délictuelle, fondée sur le dol, indépendamment de l’action en nullité du contrat pour dol.

La cour rejette chacun des arguments présentés par le titulaire de la marque, et retient que ce dernier a épuisé ses droits sur lesdites marques et qu’il ne justifie pas de motifs légitimes pour s’opposer à la commercialisation des produits litigieux portant sa marque.

La Cour relevant que la société Thierry Mügler ne demandait pas l’annulation du contrat de licence, écarte le dol invoqué aux motifs que le fait qu’elle n’ait pas été informée que les contrats de fourniture des produits litigieux avec la société BP Europa SE auraient été conclus quelques jours avant la signature du contrat de licence ne saurait constituer en soi un dol ou une manœuvres dolosive, et que ces contrats de fourniture ne contrevenaient pas au contrat de licence quant à la destination des produits, en l’occurrence des produits exclusivement destinés à des opérations promotionnelles.

De même, la cour rejette l’argument tué de la prétendue violation de la clause de durée en raison des dates de mise à disposition des produits litigieux. D’une part, elle relève que le droit allemand, applicable au contrat conclu entre le licencié allemand et la société allemande BP Europa SE, dispose que le droit de propriété n’est transféré qu’au moment de la remise matérielle des produits, de sorte que même si le contrat a été conclu antérieurement à la licence, la date de mise à disposition des produits par le licencié à BP Europa SE est conforme aux dispositions du contrat de licence conclu avec le titulaire de la marque. Enfin, la cour relève que la société Thierry Mügler ne rapporte pas la preuve que des ventes se seraient poursuivies au-delà de la durée autorisée par le contrat de licence.

La société Thierry Mügler est également déboutée de sa demande fondée sur l’existence d’un motif légitime, la cour relevant que les produits en cause n’étaient pas des produits de luxe, mais au contraire des produits de faible valeur destinés à des opérations promotionnelles et publicitaires. En outre, leur état n’était ni altéré ni modifié.

Florence DAUVERGNE

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