Appréciation des preuves de la participation à une concertation et présomption d’innocence

Plusieurs agences de voyage qui utilisaient un système commun de réservation de voyages en ligne ainsi que l’administrateur de ce système avaient été sanctionnés par le Conseil lituanien de la concurrence, par une décision du 7 juin 2012, pour s’être concertés sur la limitation du taux de remises accordées pour des réservations effectuées en ligne par l’intermédiaire du logiciel.

En l’espèce, l’administrateur du logiciel avait envoyé un message électronique aux différentes agences de voyage sur cette limitation, message auquel les agences n’avaient pas répondu. Par la suite, les modifications techniques nécessaires à cette limitation avaient été mises en place.

La Cour de justice de l’Union européenne (« CJUE ») a été saisie de questions préjudicielles posées par la Cour administrative suprême de Lituanie visant à déterminer si dans de telles circonstances, « les agences de voyage devaient être présumées avoir pris connaissance ou avoir nécessairement dû prendre connaissance du contenu du message et, en l’absence de toute opposition de leur part, être présumées comme ayant participé à une pratique concertée ».

Dans un arrêt du 21 janvier 2016, la CJUE précise qu’en application du principe de la présomption d’innocence, l’envoi de ce message ne suffit pas, à lui seul, à permettre de considérer que les agences avaient nécessairement eu connaissance de son contenu.

La CJUE relève toutefois que les circonstances de l’espèce sont « susceptibles de fonder une concertation entre les agences qui avaient connaissance du contenu du message en cause au principal, celles-ci pouvant être considérées comme ayant tacitement acquiescé à une pratique anticoncurrentielle commune », dès lors que les deux autres éléments constitutifs d’une pratique concertée sont également réunis, c’est-à-dire un comportement sur le marché, ainsi qu’un lien de cause à effet entre ce comportement et la concertation.

La CJUE indique enfin que lorsque la concertation ne découle pas d’une réunion collusoire, comme c’est le cas en l’espèce, la présomption de participation à une concertation peut être réfutée par d’autres moyens que la distanciation publique ou la dénonciation aux autorités publiques. En l’espèce, il peut être accepté que les agences établissent leur objection claire et explicite adressée à l’administrateur du logiciel.

Arrêt de la CJUE C-74/14 du 21 janvier 2016