Alerte : les jours de congé payés sont désormais pris en compte dans le décompte du seuil de déclenchement des heures supplémentaires 

Après avoir procédé à un premier revirement de jurisprudence relatif aux conséquences d’un arrêt de travail pour maladie prescrit pendant une période de congés payés (voir notre Flash ici), la chambre sociale de la Cour de cassation a rendu un autre arrêt important le 10 septembre dernier actant également d’un revirement de jurisprudence (Cass. soc., 10 sept. 2025, 23-14455).
 
Jusqu’à présent, de jurisprudence constante, la haute juridiction jugeait que « les jours fériés ou de congés payés, en l’absence de dispositions légales ou conventionnelles, ne [pouvaient] être assimilés à du temps de travail effectif » (notamment Cass. soc., 4 avr. 2012, 10-10701). Ce faisant, le temps équivalent à ces jours fériés ou de congés payés n’était pas pris en compte dans le décompte du temps de travail hebdomadaire. Subséquemment, le salarié qui bénéficiait par exemple de congés payés les lundi et mardi d’une semaine puis travaillait plus d’heures qu’habituellement les mercredi, jeudi et vendredi suivants, ne bénéficiaient pour autant pas d’heures supplémentaires ; son temps de travail effectif hebdomadaire étant inférieur à 35 heures, sa rémunération y afférente n’était aucunement majorée.
 
Cette appréciation du seuil de déclenchement des heures supplémentaires n’était pas conforme au droit de l’union européenne. La CJUE juge en effet que les heures correspondant à la période de congé annuel payé pris par le travailleur doivent être prises en compte en tant qu’heures de travail accomplies pour atteindre le seuil des heures travaillées donnant droit à majoration pour heures supplémentaires (CJUE, 13 janvier 2022, C-514/20).
 
Dans sa décision ici commentée, la chambre sociale de la Cour de cassation a une nouvelle fois mis le droit français en conformité avec le droit de l’union européenne et donc procédé à un revirement de jurisprudence supplémentaire. Elle juge que désormais un « salarié peut prétendre au paiement des majorations pour heures supplémentaires qu’il aurait perçues s’il avait travaillé durant toute la semaine » lorsque, pendant la semaine considérée, il « a été partiellement en situation de congé payé », les périodes de congés payés ne pouvant être exclues « de l’assiette de calcul hebdomadaire des heures supplémentaires » (Cass. soc., 10 sept. 2025, 23-14455, § 18 et 21).
 
L’arrêt de la cour d’appel qui avait retenu le contre-chiffrage proposé par l’employeur pour le calcul des heures supplémentaires, qui prenait en compte les absences du salarié pendant ses jours de congés payés pour minorer le nombre d’heures supplémentaires, est cassé. Il appartiendra donc à la cour d’appel de renvoi de fixer le nombre d’heures majorées en prenant en compte les jours de congés payés pour apprécier l’atteinte du seuil de déclenchement des heures supplémentaires.
 
Ex. : Un salarié travaille tous les jours du lundi au vendredi à raison de 7 heures par jour ; lors d’une semaine donnée, il travaille normalement 7 heures le lundi ; prend deux jours de congés payés les mardi et mercredi suivant ; reprend le travail les jeudi et vendredi mais, lors de ce dernier jour, travaille une heure de plus à la demande de son employeur (soit 8 heures au lieu de 7). Jusqu’à présent, il était considéré qu’il avait effectué (7 heures le lundi ; 0 heure les mardi et mercredi ; 7 heures le jeudi et 8 heures le vendredi ; soit un total de 22 heures de travail effectif ; ce nombre étant inférieur à 35 heures, il ne bénéficiait pas d’heures supplémentaires majorées. Désormais, les deux jours de congés payés devront être pris en compte à hauteur, dans cet exemple, de 7 heures chaque jour, soit 14 heures au total en l’occurrence ; partant, le total d’heures pris en compte sera de (7+7+7+7+8) 36 heures ; le salarié sera donc éligible à une heure supplémentaire majorée, nonobstant le fait qu’il ait en réalité travaillé uniquement 22 heures dans la semaine.
 
A noter, la Cour de cassation étant muette sur le cas des jours fériés, il doit, pour le moment, être considéré que le temps équivalent de ces derniers demeure en revanche toujours exclu du décompte des heures permettant d’atteindre le seuil de déclenchement des heures supplémentaires. Ce d’autant que la haute juridiction n’évoque aucunement non plus le cas des jours fériés dans son communiqué ou sa notice publiés avec l’arrêt commenté.