Affaire Lelouch c/Peugeot Citroën : S’inpirer n’est pas fauter

CA Paris, Pôle 5, Ch.1, 12 septembre 2017

Cet arrêt, qui confirme un jugement du Tribunal de commerce, prend position sur la frontière entre l’inspiration puisée dans une œuvre antérieure et la faute caractérisant la concurrence déloyale ou le parasitisme.

L’action a été engagée par Monsieur Claude Lelouch et sa société de production LES FILMS 13. En 1976, Claude Lelouch réalise un court-métrage intitulé « C’était un rendez-vous » qui mettait en scène un homme conduisant une voiture à vive allure se terminant sur les marches du Sacré Cœur par une rencontre avec une femme.

La société Le Rendez-vous à Paris a réalisé en 2014, à la demande du Groupe Peugeot Citroën, un film publicitaire en vue d’assurer la promotion de la nouvelle « DS 5LS R » en Chine. Comme le film de Monsieur Claude Lelouch, le film publicitaire mettait en scène un homme traversant Paris au volant de son véhicule et retrouvant une jeune femme sur les marches de Montmartre. Dans plusieurs publications, la société de production avait reconnu avoir puisé son inspiration dans le court-métrage de Claude Lelouch.

Monsieur Claude Lelouch et LES FILMS 13 ont introduit une action en justice en invoquant des faits de parasitisme et de concurrence déloyale, estimant que ce film publicitaire reprenaient les éléments caractéristiques du court-métrage, notoire selon eux, de Claude Lelouch.

Déboutés en première instance par le Tribunal de Commerce, Monsieur Claude Lelouch et sa société de production ont porté l’affaire devant la Cour d’appel de Paris qui confirme la première décision en précisant la position.

Sur les principes, la Cour rappelle que peuvent être sanctionnés sur le fondement de l’article 1240 du Code civil (anciennement 1382) et à l’aune du principe de la liberté du commerce, des comportements fautifs qui, telle la concurrence déloyale, créent un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit ou, c’est le cas du parasitisme, consistent à s’immiscer dans le sillage d’autrui afin de profiter de ses efforts, de ses investissements et de son savoir-faire.

Or, selon les juges, Monsieur Claude Lelouch et la société LES FILMS 13 ne démontrent en rien la caractérisation de tels agissements.

La Cour souligne que « le fait de s’inspirer d’une œuvre préexistante n’est pas condamnable en soi ». Tout est effectivement une question de frontière. Et elle estime qu’en l’espèce, cette inspiration, incontestable car publiquement reconnue par la société de production du film publicitaire, se limite à la réutilisation d’une idée non appropriable, celle d’un homme conduisant une belle voiture à vive allure dans Paris pour retrouver une femme sur la butte Montmartre. La Cour ne voit pas non plus dans l’utilisation du mot « rendez-vous » présent dans les deux films un élément de nature à caractériser une faute.

Mais la Cour prend le soin d’éclairer sa position en signalant les « importantes différences » entre les deux films : l’accent mis dans le second film sur la voiture est absent du premier, les plans et la structure du second film est également différent. La combinaison de ces différences conduit la Cour à écarter la concurrence déloyale dès lors que « le risque de confusion ou d’assimilation pour le public concerné, principalement la clientèle chinoise, n’est pas démontré ».

L’accusation de parasitisme est également rejetée car, selon la Cour, la notoriété du court-métrage est « relative » et ne doit pas être confondue avec celle (incontestable) de son réalisateur. En outre, la Cour relève que les investissements consacrés au court-métrage de Claude Lelouch ont été modestes alors que Peugeot Citroën démontrait le coût élevé de production de son film publicitaire.

Au plan des principes, cet arrêt s’inscrit dans la lignée d’une jurisprudence constante retenant que la reprise d’une idée ou d’un thème déjà exploité, comme l’inspiration puisée dans le patrimoine artistique antérieur, ne caractérisent pas une faute en soi. Cependant, on peut se demander si la position de la Cour eut été la même si l’action avait été engagée sur le fondement de la contrefaçon en invoquant une adaptation non autorisée du court-métrage, étant rappelé que la contrefaçon en matière de droit d’auteur n’exige pas l’existence d’un risque de confusion, contrairement à la concurrence déloyale.

Helena DELABARRE – Camille LOMON

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