Accords de coproduction : les appels de fonds et la répartition des quotes-parts de profits entre coproducteurs ne sont pas soumis à la TVA

CA Paris, Pôle 5, Ch.5, 8 novembre 2012 n°09/21370, SA MC2 France / La Réunion des Musées Nationaux

Par un arrêt du 8 novembre 2012, la Cour d’appel de Paris a jugé, dans le cadre d’un litige opposant deux coproducteurs, que les appels de fonds et le règlement des quotes-parts de coproducteurs ne sont pas soumis à la TVA. En revanche, les recettes et commissions perçues par les coproducteurs auprès des tiers restent normalement soumises à la taxe.


En l’espèce, la société MC2 France (« MC2 France ») et l’établissement public Réunion des Musées Nationaux et du Grand Palais des Champs-Elysées (la « RMN ») avaient conclu, entre 1995 et 2001, cinq accords de coproduction, coédition et distribution de programmes multimédia sur la peinture et l’Histoire.

Les contrats prévoyaient que les parties procéderaient à des facturations réciproques afin d’assumer leurs engagements financiers respectifs. Pour chaque coproduction, les parties devaient effectuer au départ des apports destinés à financer les frais de production.

La société MC2 France a facturé dans ce cadre des appels de fonds à la RMN en appliquant de la TVA. La RMN a également procédé, dans une moindre mesure, à des appels de fonds comportant de la TVA.

Afin de se prononcer sur l’état global des comptes entre les parties au terme de l’exécution des cinq contrats, la Cour d’appel de Paris a dû préalablement analyser si les appels de fonds facturés par chacune des parties devaient être ou non assujettis à la TVA.

La Cour a fait application des principes posés par l’administration fiscale s’agissant des « opérations internes » effectuées dans le cadre d’une société en participation1 , lesquels ont ensuite été repris dans une instruction spécifique sur les contrats de coproduction d’œuvres audiovisuelles2 .

Ainsi, conformément à l’article 256 du Code général des impôts qui soumet à la TVA « les livraisons de biens et prestations de service effectuées à titre onéreux » :

(i) les appels de fonds émis entre coproducteurs en exécution d’un contrat de coproduction ne sont pas soumis à la TVA, dès lors qu’il s’agit d’apports financiers dépourvus de caractère onéreux ;

(ii) il en est de même s’agissant de la répartition des quotes-parts de profits entre les coproducteurs ;

(iii) cette absence d’imposition n’affecte pas les droits à déduction de TVA des parties à l’accord de coproduction ;

(iv) les recettes et commissions perçues par les coproducteurs auprès des tiers sont normalement soumises à la TVA, dans la mesure où elles résultent de la commercialisation des œuvres coproduites.

Ces principes peuvent être raisonnablement étendus à tous les types d’accords de coproduction (cinématographique, musicale, etc.).

Il convient de rappeler toutefois qu’en matière de production de films cinématographiques, l’administration fiscale a élaboré trois dispositifs afin de faciliter les modalités de récupération de la TVA par les coproducteurs, qui s’écartent pour certains des principes susvisés3.

En effet, pour les films en coproduction, les déductions opérées sur la TVA afférente aux recettes d’exploitation ne peuvent être exercées que par les coproducteurs titulaires des factures d’achat de biens et de services utilisés pour la réalisation du film. Or, dans la plupart des cas, seul le producteur délégué dispose de ces factures et est, par conséquent, le seul fondé à déduire la TVA qui y est mentionnée.

Pour que les autres coproducteurs puissent effectuer des déductions, il faut que le producteur délégué refacture à chacun d’eux, au prorata de leurs apports respectifs, le montant correspondant de biens et de services passibles de la TVA, ce qui pose parfois d’importantes difficultés pratiques, compte tenu du nombre de factures et des justifications que doivent produire les coproducteurs pour pouvoir exercer leurs droits à déduction (copie de ces factures ou extraits de la comptabilité du producteur délégué).

Afin de pallier à ces inconvénients, les coproducteurs peuvent choisir, pour chaque film coproduit, entre les trois solutions suivantes :

1ère solution

Le producteur délégué déduit dans les conditions de droit commun la TVA afférente à l’ensemble des dépenses de production et facture la totalité des recettes d’exploitation avec TVA.

Les autres coproducteurs n’exercent aucune déduction sur le montant des dépenses de production du film. Corrélativement, ils n’ont pas à comprendre dans leur base d’imposition à la TVA la quote-part des recettes d’exploitation qui leur revient.

2ème solution

Le producteur délégué déduit la TVA afférente à l’ensemble des dépenses de production et refacture ensuite à chaque coproducteur la quotepart des dépenses qu’il doit supporter avec TVA. Il facture par ailleurs l’ensemble des recettes d’exploitation du film avec TVA.

Les autres coproducteurs facturent auprès du producteur délégué la part de recettes qui leur revient en appliquant de la TVA. Ils peuvent déduire dans les conditions de droit commun la TVA facturée par le producteur délégué au titre de la refacturation des quoteparts de dépenses de production.

3ème solution

Le producteur délégué ne déduit la TVA que sur la seule quotepart des dépenses de production qui lui incombe et délivre à chacun des coproducteurs des décomptes mentionnant les dépenses pour lesquelles le droit à déduction a pris naissance et conformes au modèle établi par l’administration. Contrairement à la 2ème solution, le producteur délégué n’applique pas de TVA sur les remboursements de dépenses de coproduction versées par les coproducteurs. Il ne comprend par ailleurs dans sa base d’imposition à la TVA que sa quote-part de recettes de coproduction.

Les coproducteurs déduisent dans les conditions de droit commun la TVA figurant sur les décomptes.

Anne-Marie HATCHONDO et Christophe MOREAU

1 BOI-TVA-CHAMP-10-10-50 n°30

2 BOI-TVA-CHAMP-10-10-80
3 BOI-TVA-SECT-20-30 n°90 à 160