Absence de consultation du CSE en cas d’inaptitude avec impossibilité de maintien ou de reclassement dans l’emploi

En cas d’inaptitude, le code du travail impose à l’employeur (art. L1226-2 et L1226-10 c. trav.) :

  1. de proposer au salarié inapte un autre emploi en prenant en compte les préconisations du médecin du travail
  2. et de recueillir l’avis du comité social et économique (CSE) sur cette proposition de reclassement

Cet avis est-il à recueillir lorsque le médecin du travail mentionne dans son avis que tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi (art. L1226-2-1 al. 2 et L1226-12 al. 2 c. trav.) ? C’est à cette question que vient (enfin) de répondre par la négative la Cour de cassation (Cass. soc., 8 juin 2022, 20-22500).

La réponse était attendue dès lors que, de jurisprudence constante, la Cour de cassation juge que l’absence de consultation des délégués du personnel auparavant ou du CSE désormais prive le licenciement de cause réelle et sérieuse (notamment Cass. soc., 30 septembre 2020, 19-11974, §7) et ce même en l’absence de proposition de reclassement lorsque la recherche s’est avérée infructueuse (Cass. soc., 30 septembre 2020, 19-16488, §6 et §7). Mais dans ces décisions, si les salariés avaient effectivement été déclarés inaptes, le médecin du travail n’avait pas en outre précisé que tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié faisait obstacle à tout reclassement dans l’emploi.

Plusieurs cours d’appel ont rendu des décisions contradictoires à cet égard :

  • pour certaines, l’employeur était dispensé de consulter le CSE dès lors que le médecin du travail mentionnait l’impossibilité de maintien ou de reclassement dans l’emploi (CA de Paris, 9 mars 2022, 19/11868, CA de Lyon, 5 novembre 2021, 19/01393) ;
  • pour d’autres, l’employeur devait consulter le CSE en tout état de cause (CA de Bourges, 19 novembre 2021, 21/00153).

Dans son arrêt du 8 juin 2022, la Cour de cassation est donc venue trancher la question en jugeant que lorsque le médecin du travail a mentionné expressément dans son avis que tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi, l’employeur « n’est pas tenu de rechercher un reclassement » et n’a donc, par voie de conséquence, pas « l’obligation de consulter les délégués du personnel » (Cass. soc., 8 juin 2022, 20-22500, §8).

Dans cette affaire, le médecin du travail avait effectivement indiqué dans l’avis d’inaptitude que « l’état de santé du salarié fai[sai]t obstacle à tout reclassement dans un emploi ». A la suite de son licenciement, la salariée concernée avait saisi le conseil de prud’homme d’une demande de dommages et intérêts en raison du défaut de consultation des délégués du personnel. La cour d’appel avait fait droit à la demande de la salariée (CA de Chambéry, 22 octobre 2020, n° 19/00263). La Cour de cassation a donc cassé cette décision en affirmant que, dans de telles circonstances, la consultation des délégués du personnel ne s’imposait pas. Rendue à propos de délégués du personnel, la solution est transposable au CSE.

En clair, désormais :

  • il convient de consulter le CSE sur les possibilités de reclassement des salariés déclarés inaptes, y compris lorsque l’employeur n’a trouvé aucun poste disponible de reclassement ;
  • sauf quand le médecin du travail a précisé dans son avis que tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi car, dans ces cas, l’employeur n’est pas tenu d’une obligation de reclassement.